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Critique de ODP31


Le coup de la panne !
Je ne parle pas ici de la technique éculée de séduction, nostalgie des déserts numériques, ni d'un coup de fatigue impromptu quand la piteuse méthode de drague avait malgré tout atteint son but, mais d'un black-out général. Plus de réseau, plus de télé, plus d'électricité… Plus de Babelio, Ah, non, tout mais pas ça !
Et il faut que cela tombe à quelques heures du Super Bowl, évènement composé d'une heure de sport et de quatres heures de pubs, aussi suivi aux States que "Plus Belle la Vie" dans une maison de retraite.
Un couple se trouve dans un avion au moment de l'anomalie… J'ai déjà lu cette histoire quelque part ou peut-être que je l'ai vu à la Tellier !
Après un atterrissage au doigt mouillé, le couple rejoint 3 amis pour passer la soirée… à la bougie. Sans match, la bière et les chips n'ont plus le même goût.
C'est l'occasion pour l'auteur prophétique Don DeLillo, en moins de 100 pages et une heure de lecture, douche comprise, de nous confronter à notre pauvre condition de femmes et d'hommes hyper-connectés au monde et déconnectés entre eux, aux émotions devenues aussi artificielles que les intelligences.
Ce qui fait à la fois la force et la faiblesse de ce court récit, c'est son approche intimiste en huis clos. le propos de l'auteur n'est pas de décrire l'impact de la panne sur le fonctionnement de la société et son potentiel effondrement. Pas de scènes de paniques collectives, d'émeutes ou de pillages, pas d'orgies avant l'apocalypse, pas de concerts de casseroles sur les balcons ou d'explications sur l'origine de la coupure géante.
Don DeLillo décrit plutôt l'hébétude qui gagne au fil des heures les personnages qui se retrouvent face à eux-mêmes et à leurs proches. Ecrit en 2019, l'auteur prophétise donc déjà les effets d'un confinement. Nostradamus aux idées noires. Cette situation aboutit à des dialogues décalés qui semblent s'égarer dans le vide car ces cinq protagonistes amorphes ont pris l'habitude de ne plus écouter les autres. le comportement de l'un des personnages qui reste prostré devant sa télé en panne et qui commente un match imaginaire est d'une incroyable éloquence. Au fil des pages, les conversations ne sont que des monologues qui n'attendent aucune réponse. Cette approche originale pousse le lecteur à la réflexion et à phosphorer… dans le noir.
Néanmoins, ce minimalisme m'a laissé sur ma faim. Les questions existentielles occupent suffisamment mes insomnies pour ne pas les laisser prendre en otage mes lectures. Sans demander le récit d'une invasion extra-terrestre, des révélations sur les dessous cachés d'une attaque informatique fomentée par un complot sino-russe ou le dérèglement oulipien de l'espace-temps, j'aurai aimé qu'un auteur aussi brillant sorte de cet appartement et se confronte au monde. Désolé, mais quand je lis un roman d'anticipation, j'ai besoin de grand air, même s'il est pollué ou radioactif, ce qui est le cas de 90 % des romans du genre, et de me confronter à la folie humaine ou à celle des éléments.
Dom Delillo reste un auteur majeur qui apporte une vraie réflexion sur le monde d'aujourd'hui en inventant demain et il réussit en peu de pages à décrire une peur universelle mais son austérité de moyens ne convient pas à mon régime littéraire acidulé.
Une coupure d'électricité qui ne m'a pas fait disjoncter.
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