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Critique de Henri-l-oiseleur


Grâce à Masse Critique et aux éditions Equateurs/ Parallèles, que je remercie, j'ai lu cet ouvrage de Régis Debray sur Paul Valéry. La rencontre de ces deux noms a quelque chose d'improbable à première vue : d'un côté, un ancien activiste marxiste, faisant table rase du passé, un intellectuel respecté dans les milieux bien-pensants (France-Inter entre autres, où Debray a parlé de Valéry, est pratiquement la radio d'état). De l'autre, un esprit libre, héritier critique d'une tradition née avec Montaigne et Pascal, celle de la "pensée de derrière" et du conservatisme éclairé. Mais la lecture du livre permet de changer de jugement sur Régis Debray : ayant montré patte blanche dans les premières émissions, et proférant les sottises de gauche reproduites en quatrième de couverture, l'auteur ose enfin penser et lire Valéry sans trop se soucier des préjugés de ses commanditaires. Et Debray est brillant, en particulier dans sa partie, la "médiologie". Le tableau qu'il fait du Valéry de l'entre-deux-guerres, observateur de la mort de l'Europe, est intéressant. Quelques chapitres frappants évoquent aussi le Valéry prophète des temps modernes, celui qui voit venir l'Amérique. Mais Debray tire Valéry à lui : il en fait un intellectuel attentif au monde, ce qu'il fut comme lui, en laissant dans l'ombre le mathématicien, le poète, l'un des fondateurs des sciences du langage et de la poétique modernes, et l'auteur fasciné par le fonctionnement de l'esprit conscient et inconscient. De tous ces Valéry-là, c'est le poète que je regrette de n'avoir pas entendu clairement dans ce livre.

A la fin, Debray a ce mot très juste sur la postérité de Valéry : alors qu'on retient Rimbaud, Hugo, Camus, car ils sont à la fois une oeuvre et une histoire, sa discrétion sur sa vie privée, la variété de son oeuvre, ses multiples entrées et sorties, font que le public aura de la peine à se faire une idée simple, narrative, de lui. Debray signale laidement qu'il n'y a pas de "story-telling". Valéry n'est pas simple. Un été avec lui risque d'éloigner des plages, alors que le Cimetière Marin nous y renvoie.
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