Faire des va-et-vient entre le spirituel et le matériel, entre nos pensées et nos appareils, c'est le souci premier du médiologue. Valéry ne connaissait pas le mot. Il l'a mis en pratique en reconnaissant dans telle ou telle invention une puissance de transformation des moeurs et des pensées, c'est-à-dire un esprit en acte, dont la propriété, dans ses premiers temps, est de passer inaperçu. (...) L'intelligence humaine étant artificielle depuis l'âge de la pierre taillée, on doit rendre grâce aux premiers grattoirs et tailloirs qui ont permis à l'homo sapiens de secouer le joug du naturel. Valéry sait cela. Il ne s'en offusque pas. Il veut obstinément comprendre ce que les outils font à leurs inventeurs ...
pp. 96-97
Quelques sottises et clichés politiquement corrects :
Ce faux vieux monsieur, chaque année qui passe lui donne un coup de jeune ... (p. 11)
(Brassens et Valéry) Le patricien et le plébéien, égaux pour la technique et la discipline, hantés l'un et l'autre par l'exactitude des mots et leur musique, se répondent à distance... L'Olympia et l'Olympe, ce sont deux voies également royales vers la Beauté.
p. 18.
(La Méditerranée) La mer intérieure est solidaire d'un humanisme lumineux, pluriel, métis ...
p. 24
(Mallarmé) Valéry a vingt ans, en 1891, quand il vient rencontrer "le suprême, le paternel ami", prof d'anglais au bahut du coin...
p. 35
(Minorités dans l'Affaire Dreyfus) Le tropisme protestant a poussé Gide à rallier les pétitionnaires de L'Aurore : un statut de minoritaire, en l'occurrence religieux et sexuel, est toujours de nature à pousser dans le bon camp..
p. 61.
"Deux choses menacent le monde : l'ordre et le désordre." Autrement dit, la droite et la gauche.
p.106
Etc...
Les morts se transforment en même temps que les vivants parce que ce sont eux qui les font revivre. (p.171)
L'homme sait ce qu'il fait. Mais il ne sait ni comment il a fait ce qu'il fait ni ce qu'a pu, ou pourra faire, ce qu'il a fait.
Remarque de Régis Debray : Et il vaut mieux pour lui ne pas le savoir, car cela risquerait de le vexer profondément.
Une décadence culturelle suite à une croissance des biens culturels? Telle serait la maladie des riches: l'héritage asphyxiant. (p.58)
Valéry est de ceux qui ont donné sa pleine noblesse littéraire et morale à ce qu'on pourrait appeler l'âge de la Méditerranée auquel succéderont, au XXè siècle, le temps de l’Atlantique, puis celui de l'océan global au XXIè siècle. (p.24)
Un monument est un édifice dont on n'a plus l'usage et, quand on veut oublier quelqu'un, on lui dresse une statue. (p.13)
L'été sied à Paul Valéry, un solaire impénitent, un Méditerranéen qui nous enjoint de courir à l'onde en rejaillir vivant.
Ce qui reste d'un artiste après sa mort est rarement ce qu'il tenait pour sa part la plus haute, la plus digne de mémoire. (p.169)
Dès lors que l'esprit se libère de la misère quotidienne pour se laisser aller, sans intérêts particuliers, sans rien à démontrer, dès lors qu'il reste une aventure incertaine, il est prêt à faire la fête sur les planches. (p.134)