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Critique de Denis3


Le poète a dit
la vérité,
elle doit être publiée (?)

Un être insignifiant. C'est ainsi que le psychiatre, le spécialiste du médico-légal,décrit notre homme. Il ne signifie donc rien. Pas de métier, pas de formation. Même pas de passe-temps. Ni opinions ni intérêts. C'est blanc, comme une page blanche, il n'y a rien à voir. Il ne signifie rien et il n'est pas signifié non plus, par d'autres. Membre de rien, affilié à personne. Non, en fait on ne sait même pas où il vit, quelque part dans la grande banlieue, dans un logement standardisé. C'est gris, tout gris, rien ne ressort. Alors, que ca ne vous fasse rien s'il n'a pas de nom. Ni nommé ni décrit. Grand, petit, fort… tout cela n'a pas d'importance. Un être générique, non pas parce qu'il représenterait une classe ou une catégorie d'analogues, mais justement parce qu'il ne représente rien. Il ne se représente même pas lui-même.

Les gens autour de lui, c'est pareil. Eux non plus ne représentent rien. Il se trouve qu'ils sont là. C'est tout. Des êtres… déconstruits. Ou plutôt, des êtres qui ne se sont jamais construits. Alors, forcément, ils ne signifient rien. Ni l'un pour l'autre, ni pour eux-mêmes. Car ce “soi”, auquel je viens de faire référence, ce “soi” existe à peine. C'est un potentiel, qui ne sera jamais réalisé. Une masse indifférenciée de potentiels à la limité de l'existence, au bord du néant, pas trop sur s'ils existent, au fond. Et puis ca n'a pas d'importance.

Ca n'a donc pas d'importance non plus si dans un tel monde il se passe des choses. On fait des petits boulots. On vole un peu. On deale, on se drogue, comme on peut. Mais, non, parfois, juste une ou deux fois par ci par là, on franchit, sans le savoir, un seuil d'alarme. Car… il y a d'autres mondes. Et ceux-ci, une fois un certain seuil franchi, se sentent concernés.

C'est le cas. On a tué. Tué, vous dis-je ! Vous ne comprenez pas ? Tué !

Ici, ce sont des choses qui arrivent, mais ailleurs, ailleurs, c'est énorme. Ca s'appelle un meurtre. Alors surgit du brouillard, d'un coup, toute une machinerie : policiers, juges, procureurs, avocats ! Tout à coup, ici !

Le spot se pose sur un être qui, subitement, n'est plus insignifiant. Il prend la signification d'accusé, puis de coupable. Mission accomplie, le coupable est évacué vers une région encore inférieure, et toute la mystérieuse machine repart vers son monde. Allez-y comprendre quelque chose. Sauf ceci : un seuil d'alerte a été franchi, un coupable trouvé et rejeté, les paramètres ne sont plus en zone rouge, mission accomplie.

Une femme faisait partie d'une telle machinerie. Elle était hautement signifiante : diplômes, finances, pouvoir. Hautement signifiée aussi ; le nom, les réseaux. Elle les a rejetés. Aussi radicalement, aussi totalement qu'elle a pu. Elle, construite, par d'autres dit elle, elle s'est déconstruite. Pour devenir quoi ? Une auteure. Elle n'est pas passée par la zone des insignifiants - elle serait “ontologiquement riche” même sans une thune - elle a suivi une courbe différente. Elle décrit les insignifiants, même si elle ne peut pas en être. Elle ne peut cesser d'être totalement qui elle a été. Elle est devenue, est en devenir, devenir autre chose. Quoi ? Elle ne sait, elle joue, elle danse, elle esquive, ne veut pas se laisser cerner, ne veut pas être définie. Que signifie t-elle ? Par qui se laisse t-elle signifier ? On ne sait.

Cette danse d'autofictions qui ne se veulent pas autobiographiques, d'êtres déconstruits évoquant ceux qui ne se sont jamais construits, d'attaques, d'esquives et de parades, cette farandole d'accusations et de dénis se déroule sur scène. Une scène entourée par des journalistes, des critiques, des personnalités médiatiques en tous genres, des éditeurs et des gestionnaires . Ou alors un tribunal. Ca aussi, c'est une scène. Mais où sont les juges, le procureur et l'avocat, les jurés ? Et quel code, pénal ou autre, fera référence?








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