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Citations sur Monument national (25)

Les prédictions de Cendrine furent méchamment déjouées. Quand elle prit son poste au U le lendemain, elle vit Aminata débarquer en col Claudine et jupe tartan. Jupe ultracourte, néanmoins, assortie de cuissardes, qu'elle portait plutôt bien. Ce fut un grand renversement parmi les employés mâles du supermarché. Il se cramponnèrent, qui à un rayonnage, qui à une pile de traîtres légumes, ceux-ci refusant de leur fournir un appui, et durent à un ultime réflexe de ne pas s'écrouler parmi les étals quand la reine Amanita contourna les caisses dans sa panoplie lubrique, les fines tresses de sa coiffure martelant ses fesses jusqu'à ce qu'elle daigne enfin les poser sur sin tabouret.
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Toujours est-il qu'il faudrait se contenter de la Rétrospective à la Cinémathèque, de la palme d'honneur à Cannes et d'un dîner semi-privé à !'Elysée. Événements que Paris-Match relaierait avec tout le zèle nécessaire, se consola-t-il, et Ambre renifla son accord en chassant Biniou, qui s'enfuit aussitôt dans le parc.
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Quand à la première dame, elle adorait le spectacle, les artistes, tout le tralala. Elle se désolait que le monde de la culture ait fait la fine bouche à l'intronisation du président, et elle apercevait dans l'anniversaire de Serge l'occasion de subvertir un membre sûrement de cette caste.
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Nous étions trop occupés par les choses pour nous interroger sur leur nom.
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Avec un lyrisme un peu rebattu, ils exhortaient à rétablir la pureté par le crime, sous couvert d'une religion qui, dans ses excès, vous faisait aussitôt ficher par les services de renseignement.
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La pâleur de Cendrine Barou se noyait dans la grisaille du 93. Autour d'elle, tout arborait la même teinte livide - le ciel, les trottoirs, les faces plates des immeubles, et jusqu'à l'air qui plaquait sa poisse sur toutes les surfaces pour les faire paraître encore plus grises. Cendrine vivait fondue dans ce décor. Elle avait besoin de la lumière noire d' Aminata pour accéder à la vie.
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Plus elle se montrait douce, plus nous mordions la main qui nous caressait.
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(Les premières pages du livre)
Les curieux nous visitent encore de loin en loin. À travers les grilles hérissées de flèches à pointes d’or, ils glissent leurs appareils pour immortaliser la façade jaune et lisse. Du petit salon, nous les observons se recueillir, échanger sourires et larmes devant la dernière demeure d’une gloire nationale, figure du patrimoine français.
Leurs commentaires nous parviennent par le micro de la caméra de surveillance. Tous s’étonnent que notre château soit si mal entretenu. Ils savent pourtant que nous n’avons pas les moyens de tronçonner les ronces, de rafistoler les murs. Les curieux disent encore que nous étions bien chanceux, nous qui avons été élevés ici, c’est un grand malheur de voir ce que nous sommes devenus. Et les écoutant, nous nous cachons un peu plus derrière les rideaux, terrés dans la forteresse de notre enfance qui demeure, au fond du passé, le socle de nos vies.
Situé en lisière de la forêt de Rambouillet, notre château est bâti sur le modèle du Petit Trianon – quatre façades carrées affichant avec morgue une feinte simplicité. Notre mère adorait Marie-Antoinette. Elle adorait Sofia Coppola, elle adorait Marc Jacobs, qui avait donné une seconde jeunesse à la marque Louis Vuitton. Au temps de notre splendeur ronronnaient dans la cour les automobiles. Notre père aimait les moteurs. Il jouissait des vibrations mécaniques, des fumées qui s’élevaient en panaches bleus sur le sable de l’allée. La façade ouest ouvrait sur une terrasse en granit, à l’est s’ébouriffait le jardin anglo-chinois. Des saules s’inclinaient autour du lac tandis que, sur une petite île, un temple de Diane abritait une cascade si claire qu’on aurait dit du diamant liquide. Mais c’est à l’arrière du château que se dissimulait notre plus haute fantaisie. Dans la pelouse si longue qu’elle finissait avec la ligne d’horizon, notre mère avait fait creuser une gigantesque piscine, et dans ses eaux vertes flottaient les ombres de quatre immenses topiaires – as de carreau, cœur, pique et trèfle, plantés à chaque angle du bassin.
Serge avait longtemps été joueur. Mais notre mère l’avait repris en main. Elle se flattait souvent d’avoir su convertir cette passion vorace en végétaux inoffensifs. Plus tard, je me suis demandé s’il n’était pas cruel de lui mettre sans cesse sous les yeux le plaisir qu’elle lui avait interdit. Notre père s’aventurait rarement près de la piscine. Sans l’avouer, il trouvait un peu vulgaire ce suprême ornement de notre château. Il aurait préféré une extension contemporaine en matériaux glacés – vitres aux angles aigus, béton brut. Il goûtait cette suprême perversité de l’opulence qui se pare d’attributs industriels quand l’industrie a de longtemps été éradiquée. Notre mère, cependant, affichait ingénument sa prédilection pour l’Ancien Régime. Ambre voulait des lustres et des chandeliers, l’argenterie et le cristal qui reflètent à l’infini leurs flammes blanches sur des surfaces immaculées. Elle cultivait les choses brillantes avec une énergie mêlée d’angoisse, comme si elle craignait de s’éteindre à la tombée du soir.
On entrait au château par un vestibule de larges proportions. Fiché à mi-hauteur de l’escalier tournant, un buste de notre père accueillait le visiteur, trois mètres au-dessus du dallage de pierre crème. L’artiste avait travaillé le bronze à la manière d’un tableau cubiste. Ainsi, les yeux de Serge Langlois s’étaient démultipliés, affranchis de l’axe horizontal pour surplomber, tel un trophée de chasse, quiconque franchissait la porte de notre château.
Au grand salon, c’était une forêt de pieds cannelés, fauteuils cabriolets, poufs, sofa, méridienne, sur lesquels veillaient des pendules et des miroirs rehaussés d’or. Les sièges étaient tapissés de velours turquoise. Taillés dans la même étoffe, les rideaux étaient retenus par des passementeries jaunes et brillantes comme la monnaie.
Petits, nous croyions que, par une structure extraordinaire de notre parentèle, il existait entre les membres de notre famille une invisible hiérarchie. Celle-ci commandait que, si nous prenions l’apéritif tous ensemble au grand salon – nos parents, mon frère et moi, Anna, Ralph, Madame Éva, Hélène et Julien –, certains avaient le pouvoir de commander qu’on allume le feu et d’autres d’annoncer qu’Ambre était servie. L’inverse ne se concevait pas. Il n’était pas pensable que notre mère jette des bûches dans la cheminée ou qu’Hélène et Julien s’asseyent à table avec nous. Mais à l’heure de l’apéritif, le grand salon nous accueillait tous démocratiquement dans ses amples bras Louis XVI.
C’était le moment préféré de Serge. Il disait qu’alors nous formions la plus belle des tribus, celle de la fraternité. Notre père faisait lui-même le service. Bourbon pour Ralph, notre chauffeur, et pour Madame Éva, l’intendante du domaine. Notre nurse Anna prenait du jus de pomme, Hélène et Julien du pastis. Le couple était au service de nos parents depuis des années. Hélène veillait aux fourneaux tandis que Julien entretenait le parc. Nos splendeurs immatérielles et mobilières ne cessaient pourtant de les éblouir. C’est à peine s’ils osaient s’asseoir sur nos augustes fauteuils et, pour payer l’honneur qu’on leur faisait, ils riaient à gorge déployée aux premiers bons mots, versaient une larme aux histoires tendres.
Mon frère et moi jouions sur le tapis, tour à tour timides et exubérants. Ambre prenait des photos pour Instagram, puis elle faisait monter son bichon sur ses genoux. Caressant les poils toilettés de la bête, elle réclamait à Serge une anecdote. Il revivait alors pour nous ses plus grands succès, ses rôles qui avaient marqué l’histoire du cinéma, les hommages rendus par tous les puissants du septième art. Après quoi notre mère nous racontait des histoires de sa jeunesse – les chevauchées sur la plage en hiver, qu’elle passait à Saint-Tropez, les baignades l’été à la Martinique, où son père tenait un hôtel de luxe. Sa famille avait connu des difficultés, mais elle s’en était toujours relevée grâce à l’amour qui est plus fort que tout le reste. Et Ambre faisait une autre photo pour Instagram. Cinq cent mille abonnés en moyenne avaient du bonheur à partager nos moments d’intimité. Enfoncés dans le Louis XVI, nos parents reprenaient du champagne. Ils savouraient la bienheureuse ignorance des dernières secondes avant le couperet.
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Note nouvelle nurse s'avança à petits pas mouillés. Ses baskets faisaient floc floc sur le dallage, celles de Marvin dessinaient des ronds furieux autour de la valise.
- Ici tu as le petit salon, là le grand, la salle à manger, l'intendance, la cuisine, récita Ambre tout en indiquant les portes closes.
Cendrine se garda bien de révéler qu'elle connaissait les lieux pour s'être baladée dans tout le rez-de-jardin pendant la fête. Elle s'informa seulement de l'heure de l'apéritif, prévenue par Abdul que c'était le rassemblement de notre tribu.
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P108 : "Un bourbon à la main, notre père considéra le matériel à ses pieds et fit aussitôt demi tour. Mais Ambre se tenait derrière lui, munie d'une paire de baskets. Voulait il plonger dans l'affliction sa femme, sa famille, et la nation tout entière par la même occasion ? Serge avait des responsabilités, lui rappela-t-elle en troquant les baskets pour le bourbon. 800 000 personnes avaient liké son dernier post - une photo de notre tribu tous pouces levés à l'annonce de la fête élyséenne-, et elle lui mit sous le nez le smartphone. Serge s'attarda sur un coin de la photo. "
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