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Critique de Meps


Beaucoup d'auteurs écrivent sur ce qu'ils connaissent, sur ce qu'ils ont vécu, sur des sujets qui leur sont proches. On y trouve, moi le premier, une garantie d'authenticité, de justesse. Quand il s'agit d'un auteur qu'on aime, on se dit parfois quand il reste dans ces sujets, qu'on aimerait qu'il aille explorer d'autres territoires, pour voir comment son style s'adapterait, s'il réussirait l'exercice, s'il ne se perdrait pas en route.

Je lis pour la première fois Didier Decoin, qui est né à Boulogne Billancourt en 1945 et écrit ici sur le Japon du XIIème siècle. Quel introduction inutile me direz- vous ? Non, car malgré tant d'écart entre sa réalité et celle du livre, il parvient à nous immerger complétement dans son récit. J'en ai vécu une expérience concrète, en tant qu'utilisateur du tramway. A deux reprises, plongé dans ma lecture, je me suis trompé d'arrêt de descente (une fois trop tard, la fois suivante trop tôt). Quelle meilleure marque d'une atmosphère envoutante et prenante, alors qu'on voudra bien m'accorder qu'une rame de tram n'a rien à voir avec l'empire ancestral japonais.

Au delà de cette sensation, je peux essayer d'analyser ce qui m'a plus, touché dans son récit. C'est surtout et essentiellement un livre du deuil, magnifiquement décrit par l'auteur et dont on partage avec l'héroïne Miyuki les sensations complexes, lors d'un voyage initiatique inversé dans les campagnes japonaises et vers la capitale, à travers l'exploration de tous ses sens, de la vision des forêts, aux odeurs entêtantes des encens, en passant par le toucher des écailles des carpes. le fantôme de son époux est omniabsent, jamais là et pourtant toujours avec elle.

Au delà du deuil, c'est aussi une magnifique histoire d'amour. Une histoire simple, entre gens modestes (ce qui m'a rappelé le magnifique Quoi de neuf, petit homme ? d'Hans Fallada, dans un tout autre contexte). A l'opposé des livres d'amour décrivant des histoires impossibles entre deux êtres que tout sépare, tout unit ici Miyuki à Katsuro, et cela ne fait que renforcer ce sentiment qui n'a pas les mots pour s'exprimer mais qui n'en est pas moins là dans leurs attentions, leurs gestes, leurs étreintes.

C'est enfin la confrontation entre deux mondes, deux classes sociales unies ironiquement par des poissons plutôt communs comme les carpes, absolument indispensables aux étangs des monastères et amenant de fait une dépendance aux simples pécheurs provinciaux. La rencontre entre le chef du Bureau des Jardins et des Etangs et la veuve du pêcheur est marquante, forte, là encore totalement dans l'empire des sens, d'un sens en fait, l'odorat qui marque la différence de caste, entre les odeurs agréables ou nauséabondes, mais aussi entre les senteurs artificielles ou les odeurs naturelles et authentiques.

Bref de nombreuses strates à découvrir, où se perdre, comme dans les différentes eaux des étangs où cherchent à se cacher ces carpes qui servent de fil conducteur d'un récit prenant.
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