Enracinées

Sors de ton moi, lecteur, et écris à ta soeur, celle qui vit trop loin, celle que tu boudes, qui t'a oublié, celle que tu côtoies au quotidien. Il est temps, lecteur, l'heure tourne et tu ne sais pas de quoi demain sera fait…

Sororité, lecteur, le mot est tellement à la mode aujourd'hui. Je te propose ici un bel exemple de lien sororal, effiloché au fil des pages de ce petit Iconopop fait comme je les aime : condensé poétique, tranche de vie sensible au coeur de l'intime. Il m'a émue, tout simplement.

De soeurs, il y celles que la vie m'a données, imposées. 3, lecteurs, c'est leur nombre. Des soeurs de sang dont je ne partage pourtant pas le sang pour tout te dire. Des soeurs de lait, alors, même si aucune aréole n'est jamais venue se poser contre aucune de nos lèvres. Avec chacune un lien différent, distendu, énigmatique, incompréhensible par l'hôte extérieur à notre étrange communauté.

Il y a aussi mes soeurs de coeur, celles que je pense avoir choisies mais que la vie m'a imposé par la force des choses. Mes soeurs-cières que je les appelle, avec toutes aussi un lien différent, distendu, spécial, dont mes soeurs de sang se méfient, qu'elles méprisent, même, et dont elles se moquent parfois avec cruauté.

Et puis il y a celle que je rêve et qui me hante, celle dont je ne parle jamais pourtant, celle qu'un parent n'aura pas reconnue, que je ne connaîtrai sûrement jamais, celle qui habitait un embryon géméllaire qui n'aura pas survécu… j'invente bien des histoires autour d'elle, et je la cherche partout cette âme-soeur qui n'est pas, cet autre moi qui m'aime et me comprend. Peut-être est-ce moi, en elle, que je cherche désespérément. Peut-être est-ce moi l'embryon qui n'a pas tenu, celle qui n'a pas été reconnue, celle qui est cherchée par l'autre.

Je m'empêtre un peu lecteur, les mots d'Anouk et Pauline m'ont un peu secouée, tu vois. Je prends conscience que le temps passe, qu'il modèle et modifie ces liens inaliénables et que demain tout peut s'arrêter. Alors j'ai envie d'offrir Enracinées à chacune de mes soeurs, de sang, de lait, à mes soeurs-cières et à moi aussi, je le vaux bien, non ? Et je le déposerai aussi demain, sur la tombe de celui qui a été mon grand frère de coeur, et qui a fait de moi une vieille chaussette qui déambule chaque mois de mars à la recherche de son âme-soeur…

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C'est avec pudeur et tendresse qu'Anouk et Pauline Delabroy-Allard se livrent et se confient l'une à l'autre au travers de poèmes qui se répondent.
Ce recueil - hommage à l'amour qui les unit - évoque tout à la fois la fragilité et la puissance des liens fraternels.
Il offre la promesse d'un doux moment de lecture.