Citations sur Des lettres et des peintres : Manet, Gauguin, Matisse.. (6)
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Paul Gauguin à Daniel de Monfreid – 12 décembre 1898
… avec cela je suis toujours de plus en plus malade. Si je ne dois plus compter guérir, la mort n’est-elle pas cent fois préférable. Vous m’avez reproché durement mon escapade comme une chose peu digne de Gauguin. Et si vous saviez en quel état est arrivée mon âme pendant ces trois années de souffrance. Si je ne dois plus jamais peindre, moi qui n’aime plus que cela – ni femme ni enfants, mon cœur est vide.
Suis-je criminel ? Je ne sais. Je suis donc condamné à vivre quand j’ai perdu toutes les raisons morales de vivre. (…) Il n’y a de gloire que celle dont on a conscience : qu’importe si les autres la connaissent et la proclament. Il n’y a de vraie satisfaction qu’en soi, et en ce moment je me dégoûte.
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Théodore Géricault à Pierre Joseph Dedreux-Dorcy – 12 février 1821
Une femme qui n’est pas de la première jeunesse mais belle encore et entourée de tout le prestige de la fortune s’est fourrée dans la tête d’être folle de moi, folle à la lettre en vérité. Je serai violé incontestablement. Il me faut autant d’art pour lui échapper qu’il en faut souvent pour obtenir de certaines femmes les plus légères faveurs. Elle n’est ni précieuse ni bégueule je vous assure, elle m’appelle le dieu de la peinture et elle m’adore à ce titre. L’autre jour elle me disait qu’elle voudrait m’élever un autel pour y déposer tous les jours son offrande. (…) Ce qui me désole est que son mari est un excellent homme qui a mille bontés pour moi.
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Alfred Sisley à Adolphe Tavernier, le 24 janvier 1892
Un autre ciel : celui-là plus tard le soir. Les nuages s’allongent, prennent souvent la forme de sillages, de remous, qui semblent immobilisés au milieu de l’atmosphère et peu à peu on les voit disparaître absorbés par le soleil qui se couche.
Celui-là est plus tendre, plus mélancolique, il a le charme des choses qui s’en vont.
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Alfred Sisley à Adolphe Tavernier, le 24 janvier 1892
Donner l’illusion de la vie est pour moi le principal dans une œuvre d’art – tout doit y contribuer : la forme, la couleur, la facture. C’est la vie qui donne l’émotion. Et quoique la première qualité du paysagiste doit être le sang-froid, il faut que la facture, en de certains moments plus emballée, communique au spectateur l’émotion que le peintre a ressentie.
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Lettre de Mme Ingres à un journaliste :
« Depuis longtemps je désire rectifier une assertion qui se propage dans les journaux et dans les mémoires artistiques, à propos de prétentions que M. Ingres montrait pour son violon beaucoup plus, dit-on, que pour son pinceau. »
Estelle Gaudry, avant-propos :
« Les toiles se composent de plusieurs couches de pigments, de craquelures, de vernis, tout comme les lettres, lesquelles se superposent avec parfois des ratures : enthousiasme, sensibilité, inquiétude, colère, incertitude… »