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Citations sur Auschwitz et après, tome 3 : Mesure de nos jours (54)

Chacune de celles qui sont revenues a eu de la chance, disait Jeanne. La chance d'avoir les autres.
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Qu’il nous ait fallu une volonté surhumaine pour tenir et revenir, cela tout le monde le comprend. Mais la volonté qu’il nous a fallu au retour pour revivre, personne n’en a idée. Tout le temps que nous étions là-bas, nous étions tendues vers le but, un seul but : rentrer. Rentrer, nous ne voyions pas au-delà. Rentrer, après tout serait facile. Qu’étaient les difficultés de la vie auprès de ce que nous avions enduré et surmonté ? Et c’est bien là que nous nous trompions. Et c’est là que nous avons été prises au dépourvu. Tous les problèmes de la vie se posaient : travailler, se loger, faire sa place. Rentrer n’avait pas tout résolu. Il fallait s’y attaquer avec des forces diminuées, une santé altérée, une volonté entamée. Le courage qu’il nous a fallu à ce moment-là, personne ne s’en rend compte. Et puis, je crois qu’il y a, au fond de chacun, ce dépôt des idées reçues dans l'enfance, une espèce de croyance dans la justice immanente. Il y a plus ou moins au fond de chacun un livre à deux colonnes : le doit et l’avoir, qui doivent s’équilibrer. Le doit, c’est la somme des malheurs auxquels nul n’échappe, la somme pour une vie. L’avoir, la part de bonheur à laquelle chacun a droit, qui fait le contrepoids. Celui qui est rentré s’est dit qu’il avait eu toute sa part de malheur d’un coup. Et c’est là qu’il a été pris au dépourvu.
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J'étais trop absente pour être désespérée.
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Que nous soyons là pour le dire est un démenti à ce que nous disons.
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Elle faisait signe à la nouvelle arrivante qui courait, agitait les mains vers nous, sautait dans le train et apparaissait sur le seuil du compartiment où on l’accueillait en riant.
« Toujours la même. Toujours peur d’être en retard. Pourquoi as-tu peur de rater les trains ? Il y en a un que tu aurais dû manquer et celui-là tu ne l’as pas raté.
- Eh bien, cela m’a donné le plaisir de faire ta connaissance. Comment vas-tu ? »
Elle tendait sa joue.
« Elle n’a pas changé. Toujours tête en l’air. Vous vous rappelez le jour où elle a perdu ses chaussures ?
- Je n’avais pas perdu mes chaussures. On me les avait volées.
- C’est pareil. Tiens, assieds-toi. Ne reste pas plantée. Ici on peut s’assoir. N’empêche que si Carmen n’en avait pas volé tout de suite une autre paire chez les Gitanes...
- Vous avez volé des chaussures ? disait Jeanne avec reproche.
- Parce que, toi, tu n’as jamais volé ?
- Aux SS, quand c’était possible, oui – aux prisonnières, non.
- Toi, avec ta vertu, on se demande comment tu as fait pour revenir. Heureusement que nous étions là. Et qu’est-ce que tu voulais faire ? Aller à l’appel pieds nus, par moins vingt ? Nous voulions la ramener, nous, cette bécasse.
- Oui, pour me faire enrager.
- Les Gitanes nous volaient tout. Des godasses, elles en avaient plus d’une paire en trop. On voit que tu n’es pas passée par Birkenau, Jeanne.
- Si tu n’étais pas aussi étourdie, tu aurais veillé sur tes godasses. Moi, tout le temps que nous étions au block 26, je les ai mises sous ma tête, le soir, en guise d’oreiller.
- Ecoute, tu le sais que je perds tout. Tu ne vas pas me reprocher de m’être fait voler mes godasses chaque fois que nous nous revoyons ?
- Toi aussi, tu as de la chance que nous t’ayons ramenée. A force de tout perdre, tu te serais perdue aussi.
- Chacune de celles qui sont revenues a eu de la chance, disait Jeanne. La chance d’avoir les autres.
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Etre heureux, est-ce une question que nous nous posons, nous ? Je me répète pour m'en assurer qu'il y a vingt-cinq ans que nous sommes rentrés, sinon je ne le croirais pas. Je le sais comme on sait que la terre tourne, parce qu'on l'a appris. Il faut y penser pour le savoir.
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Mon découragement en face des livres a duré très longtemps. Des années. Je ne pouvais pas lire parce qu’il me semblait savoir d’avance ce qui était écrit dans le livre, et le savoir autrement, d’une connaissance plus sûre et plus profonde, évidente, irréfutable.
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Elles ont joué ce jeu de feu follet pendant tout le temps où nous piétinions d'un bureau à l'autre, se perdaient, se retrouvaient, me retrouvaient, disaient des mots que je ne saisissais pas, s'évanouissaient encore et se fondaient enfin dans la foule des gens qui nous attendaient, englouties pour toujours dans cette foule.
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Qu'il nous ait fallu une volonté surhumaine pour tenir et revenir, cela tout le monde le comprend. Mais la volonté qu'il nous a fallu au retour pour revivre, personne n'en a idée.
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Refaire sa vie, quelle expression ... S'il y a une chose qu'on ne puisse refaire, une chose qu'on ne puisse recommencer, c'est bien sa vie.
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