Il faut savoir que chez nous il n'y a pas de beaux partis. Les hommes gentils ont la virilité douteuse et les "cérébraux" comme dit dédaigneusement mon père en parlant des intellectuels - c'est à dire ceux qui sont allé jusqu'au secondaire, ce qui n'est pas rien pour notre village - sont suspects. Quant aux jeunes qui ont eu la chance de faire des études en ville, ils ne sont jamais revenus. Restent les crève-la-faim, les éleveurs de moutons, les ouvriers...
Grâce à lui, j’ai appris que les regards n’étaient pas tous meurtriers, et que l’on pouvait même se découvrir dans le regard de l’autre.
Et pourquoi partir d’ailleurs ? Pourquoi se couper de son histoire et de sa famille ? Parce que vivre avec n’est plus possible ? Parce que sa terre n’offre pas plus de choix qu’une vie de misère et l’attente inutile d’un changement qui n’arrivera pas ? Parce qu’on refuse la possibilité d’une déception ? De se trouver devant une longue route dénuée d’amour, de rencontres éclairantes, de possibilités ? Parce que le passé entrave le présent ?
Dans un demi-sommeil, je visualise un chemin qui se sépare en deux : je suis à l'embranchement et je dois choisir une direction. Rester sur place est impossible, bien trop facile. Il faut avancer, prendre l'une des deux routes sachant qu'elles ne se rejoignent jamais et qu'aucun retour n'est possible. L'une conduit vers le détachement, autrement dit vers la liberté. L'autre n'est que la continuité du présent.
Grâce à lui, les montagnes parlent encore de nous.
Je te remercie. Tu as fait ce qu'il fallait pour que le contrat soit honoré. Maintenant, laisse la vieille et son fils dans leurs ruines et retourne étudier à la ville.
Mon père se réfère au "Coutumier" et ma mère ne jure que par Sainte Thérésa. Je suis un peu des deux.
Pour mes parents qui n'ont jamais regardé au-delà des apparences, être entrepreneur est synonyme de pouvoir et d'autorité. Etre entrepreneur va évidemment de pair avec une certaine richesse, ce qui sous-entend avoir des hommes à soi et, selon ma mère, au moins une femme de ménage et sans doute une machine à laver le linge, ce qui représente le summum du luxe pour elle qui s'use les mains quotidiennement dans l'eau bouillante et savonneuse des bassines.
Grâce à lui, j'ai appris que les regards n'étaient pas tous meurtriers, et que l'on pouvait même se découvrir dans le regard de l'autre.
Je me demande où se situe le point de non-retour qui fait que l'on se fiche de tout, et plus encore de ceux qui nous font souffrir.