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Critique de Wyoming


Belle surprise de la masse critique que ce roman caravagesque et tous mes remerciements à Babelio ainsi qu'aux éditions du Cherche Midi pour m'avoir donné l'opportunité de découvrir cette oeuvre.

Ainsi que le rappelle l'auteur en postface, il s'agit bien d'un roman dans lequel il s'est "écarté" de l'Histoire. Il donne également dans cette postface une chronologie datée en années de la vie du peintre, fondée, elle sur des éléments avérés.

Le roman raconte avec talent les cinq dernières années de la vie du peintre, de 1605 au 18 juillet 1610, date de la mort du Caravage. Peter Dempf parvient à structurer un roman en quatre parties, suivant ainsi les tribulations chaotiques de l'artiste.

On commence à Rome, la ville éternelle, avec des descriptions savoureuses, aussi bien des bords du Tibre avec leur marché de pêcheurs, que les bas-fonds sordides de la ville, ses ruelles noyées dans l'ombre ou subitement éclairées de rayons du soleil, ou que, bien sûr, les palais pontificaux avec leur ors et leurs intrigues.

Plusieurs intrigues, partant de l'histoire réelle, vont se développer avec les écarts évoqués par l'auteur. Je retiens d'abord les intrigues papales, puisque trois papes se succèdent sur ces cinq années, l'un d'eux n'exerçant le pontificat que 27 jours, succombant à la maladie ou, qui sait, à l'empoisonnement. Paul V, son successeur, est présenté comme l'ennemi juré du Caravage. L'auteur passe sous silence le fait qu'il lui avait commandé son portrait. le cardinal del Monte n'a pas le beau rôle avec Peter Dempf qui le présente comme un pédophile, quand même amateur d'art. Les conflits larvés entre Médicis et Borghese sont évoqués dans le roman comme ayant incidenté les malheurs de Michelangelo Merisi.

La principale intrigue est celle de cette fuite éperdue du Caravage, traqué de Rome à Naples, Malte, Syracuse, Palerme et Naples à nouveau, par des persécuteurs impitoyables. Même si plusieurs faits véridiques sont relatés dans cette fuite permanente du peintre, l'aspect romancé prend largement le pas, avec des personnages féminins, dont la belle Nerina, apprentie imaginaire du peintre, à laquelle l'auteur confère une personnalité s'affermissant sans cesse au fil du roman.

Cette fuite du Caravage présente quelques longueurs et redites dans sa narration qui alourdissent quelque peu l'ouvrage, font intervenir de multiples personnages, toujours bien campés et installent le livre davantage dans cette épopée de fuyard que dans les oeuvres du peintre.

Certaines d'entre elles sont néanmoins décrites, comme La Vocation de Saint Matthieu, La mort de la Vierge ou Les sept oeuvres de la Miséricorde, ce qui sera apprécié par les amateurs des peintures caravagesques, sachant qu'ils devront s'orienter vers d'autres livres spécialisés pour les savourer pleinement ou, plus prosaïquement, aller les admirer dans la chapelle Contarini, au Palais Barberini où dans différents musées du monde.

Le roman restitue enfin de belles ambiances : romaines, maritimes avec les traversées périlleuses, architecturales avec les fortifications maltaises, il restitue les couleurs, celles utilisées par le peintre et celles suggérées par la lumière ou l'obscurité.

Ce livre propose aussi une réflexion métaphysique sur l'orientation de la vie, sa fin inéluctable, les tourments de l'âme humaine et les affres de l'existence mêlés aux plaisirs de l'amour.

Pour approfondir cette réflexion dans l'environnement pictural du Caravage, on peut lire le très beau livre de Yannick Haenel, La Solitude Caravage, dans lequel l'auteur partage ses propres fantasmes survenus devant les détails féminins de Judith décapitant Holopherne et surtout livre une magnifique analyse de la peinture d'un grand maître italien, le Caravage.
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