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Critique de vincentf


Qu'est-ce que la religion pour Derrida ? La lecture de ce bouquin ne permet bien évidemment pas de répondre à cette question. Elle empêche même sans doute que l'on puisse penser que cette question a une réponse. Il y a dans l'écriture de Derrida une prudence extrême, car chaque mot a son importance, et elle est décisive. Esquissons cependant deux ou trois pistes de compréhension de la question, évoquons trois ou quatre idées intéressantes (bien que sans doute réduites ici à des banalités).

Tout d'abord, Derrida définit (il aurait sans doute horreur de ce terme) les deux sources de la religion, le sacré (ou l'intact, l'indemne, le sauf, l'immun, heilig, holly, Derrida reproduit à chaque fois la liste afin peut-être de montrer que l'on ne peut pas réduire les concepts à une seule expression) et la foi (la croyance, la fiduciarité). Il montre également, et en cela il réconcilie peut-être philosophie et religion, que tout savoir suppose une foi, c'est-à-dire, pour simplifier peut-être trop, que je ne sais que ce que je crois que je sais. Il montre aussi que l'on ne peut penser la religion et son rapport au monde aujourd'hui que de l'intérieur d'une tradition, que toute pensée aujourd'hui demeure chrétienne et latine, à tel point que notre époque ne serait pas celle de la sécularisation mais celle de la mondialatinisation.

Thèse intéressante, dans la mesure où elle s'intéresse à la religion chrétienne non en tant qu'institution à la peine mais en tant que mode de fonctionnement de la pensée. Cette idée est reprise à propos du pardon, qui, pour Derrida, ne peut être que gratuit, sans la moindre fonction politique ou psychologique et sans la moindre compréhension et excuse de l'acte pardonné, bien au contraire : "le pardon pardonne seulement l'impardonnable". En pensant cela, Derrida me semble fondamentalement chrétien. le pardon est une folie, comme l'amour (dont il est sans doute - j'extrapole - une des composantes) tel qu'il est défini par la tradition chrétienne (Saint Augustin : "Aime et fais ce que tu veux"). le problème de l'amour chrétien et du pardon chrétien, par la même occasion, c'est qu'il n'est pas pur. Si je pardonne, dans une optique chrétienne, c'est toujours dans le but d'obtenir le salut. Or le pardon derridien, plus beau parce plus pur et donc plus fou, suppose l'impossibilité du salut. Pardonner ne change rien. C'est un acte purement gratuit. Et cet acte change tout, bien entendu... C'est un acte religieux, puisqu'il est un acte indemne de toute fin extérieure à lui-même et donc sacré, tout en supposant la croyance de celui qui pardonne dans la possibilité d'un acte pourtant rationnellement impossible : pardonner l'impardonnable.

Lire Derrida après Onfray, ça complique les choses et ça relativise la séduction des propos de l'athéologue, qui se révèlent être, en comparaison avec la prudence de la prose derridienne, terriblement dogmatiques, aveuglément croyants.
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