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Critique de FredMartineau


La promesse de l'aube, découvert sur le tard, m'avait enthousiasmé et donné envie de plonger plus profondément dans l'oeuvre de son auteur, Romain Gary, en attendant que l'adaptation cinématographique achevée et diffusée me fournisse l'occasion de revivre cette belle parenthèse en confrontant mon imaginaire à l'incarnation des personnages, voulue et dirigée par le réalisateur. Quand Un certain M. Piekielny de François-Henri Désérable a atterri sur ma pile à lire, je me suis réjoui du moment où il arriverait en haut, parce que le saisir signifierait peut-être une nouvelle promesse, la poursuite du chemin entamé en compagnie de Romain Gary, la rencontre d'un écrivain, qui m'était inconnu jusque-là et que sa biographie situe à l'aube de sa carrière littéraire. Ma préhension fut ferme, goulue, j'ai croqué à pleines dents les premières lignes de ce livre comme dans une pomme bien verte, espérant de son jus qu'il contienne les saveurs et l'émotion du chef-d'oeuvre, que la prise d'importance de ce personnage secondaire, qui s'échappait des quelques pages de la promesse de l'aube révélerait le mystère qui le fit côtoyer les grands de ce monde, en fidèle et intangible compagnon de Romain Gary. J'apprécie rarement les séries dérivées, qui cherchent à capitaliser sur le succès d'un opus original et qui trop souvent n'apportent rien d'autre que de la rentabilité au producteur. En littérature, le roman-feuilleton du 19e fut en quelque sorte le précurseur du genre, l'exploitation grandiose qu'en fit Balzac dans La Comédie Humaine demeure à ce jour inégalée sans que cela décourage les auteurs contemporains de renoncer au procédé. Dans sa catégorie, JK Rowling a gratifié les fans de sa saga Harry Potter d'un essaimage d'animaux fantastiques qui tient en 54 pages, mais accouche d'une trilogie sur grand écran ; la poule aux oeufs d'or participe sûrement de cette ménagerie chimérique…
Ce roman ne m'a pas déçu ! Cette recherche d'un temps perdu, celui de Vilnius quand la ville lituanienne s'appelait encore Wilno et que Romain Gary vivait au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka m'a procuré énormément de plaisir. L'amateur d'Histoire guidé par la plume de François-Henri Désérable, souvent brillante même si elle s'égare parfois, formant des hypothèses supputant de la destinée de M. Piekielny après le départ de Roman Kacew de l'immeuble a enrichi ses connaissances des ravages de la peste brune, puis rouge qui réduisirent "la Jérusalem de Lituanie" à des ghettos, des traces sur les murs, des sépultures et des souvenirs de survivants ou de descendants. Ces évènements tragiques du passé lituanien, les exécutions massives d'une balle derrière la nuque et les horreurs qui se déroulèrent en ces lieux ne subsistaient que de manière parcellaire dans un recoin de mon cerveau, et, tandis que les bras se tendent à nouveau dans certaines parties de la planète, l'évocation de cette noirceur oubliée a agi comme un aiguillon rappelant l'importance du devoir de mémoire.
Mais, ce que j'ai le plus apprécié, c'est qu'en embarquant dans sa quête, François-Henri Désérable emmène en réalité le lecteur sur les traces de Romain Gary, de son oeuvre, de sa vie, de ses amours, de sa carrière de diplomate, des rencontres avec les personnages qui forgèrent le destin de l'après-guerre, de ses interventions publiques fameuses, de tous ces moments durant lesquels il s'acquitta de la promesse faite à un être humain, notre voisin de palier, un monsieur tout le monde s'élevant de sa condition ordinaire pour atteindre une dimension spirituelle et frôler l'éternité grâce à une seule phrase : au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka à Wilno habitait un certain M. Piekielny.
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