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Critique de Heval


Heval
20 novembre 2011
Par ce roman, quelque peu désagréable à lire, Virginie Despentes bouscule, heurte. Elle dérange. Sexe, drogue, violence, assassinat, sang, alcool sont autant d'ingrédients qui rendent ce roman explosif. L'auteure glisse sur la pente raide et dégomme tout sur son passage tout comme ses deux personnages, Nadine et Manu, qui, n'ayant rien à perdre, et poussées par l'adrénaline, prennent plaisir à la destruction. de l'Autre et de Soi.

Dans une grande insouciance et une pure indifférence, ces jeunes femmes, par goût de la violence et du pouvoir, vivent ce qu'il y a de plus abject chez l'être humain. Elles se perdent dans l'excès. Sans borne et sans limite, elles vivent dans ce que j'appelle la débauche et la dépravation. Ce sont des rebelles superficielles privées d'intelligences. Virginie Despentes ne leur attribue effectivement aucun talent réflexif. Manu et Nadine sont creuses. Elles sont résignées et c'est, sans doute, cette résignation qui finit par les conduire à la "folie".

La lecture est fâcheuse, pénible au point qu'elle se fait rapide. La lectrice que je suis lisait rapidement pour tourner les pages et me débarrasser des passages déplaisants. Pourtant, le malaise ne suffit pas à interrompre la lecture. Il y a quelque chose - le talent de l'auteure ? - qui nous retient. On s'accroche à l'histoire. L'écriture est rebelle, révoltée, brutale. Virginie Despentes, féministe, ne prend aucun gant pour détruire les stéréotypes véhiculées sur les femmes. Elle attribue à ses personnages une violence gratuite comme pour montrer à tous que les femmes, comme les hommes, peuvent connaitre et exercer la violence. Manu et Nadine, sous la plume de Virginie Despentes, se masturbent; vivent librement leur sexualité, assumée; connaissent et apprécient la pornographie; se prostituent. Elles sont seules maîtresses de leurs corps et assument leurs désirs. Qui a lu King Kong Théorie et connait un peu Virginie Despentes comprend sans grande difficulté les motivations de l'auteure. Favorable à la pornographie et la prostitution, la romancière dessine deux portraits féminins qui détruisent, avec violence et brutalité, les poncifs habituels. Virginie Despentes aborde, par le biais de la fiction, un certain nombres de thèmes tels que la prostitution, la condition féminine, le sexe et le viol.

A propos du viol, on retrouve dans Baise-moi les idées de quelques féministes américaines qui encouragent les femmes à dépasser le viol en le minimisant. La peur du viol privant les femmes du sentiment de sécurité nécessaire à l'épanouissement personnel, elle paralyse les femmes qui ne peuvent agir en toute liberté. Expression d'une domination, le viol empêche effectivement l'émancipation des femmes obligées de vivre dans une peur et une crainte permanente. Certaines féministes pensent, dès lors, que les femmes, pour se libérer, doivent relativiser le viol. Pour ces féministes, les femmes doivent effectivement dépasser la peur du viol en le considérant comme une simple pénétration. Percevoir, dans le viol, une atteinte à la personnalité et à l'intégrité c'est, pour elles, réduire les femmes - puisqu'il s'agit d'elles ici - à leur sexe et entrer dans la logique patriarcale. Or, il ne faut pas, disent-elles, situer l'honneur ou l'intégrité de la personne à l'entrée du vagin. Manu et Nadine, nos deux tueuses en séries, sont de cette veine. "Ma chatte, je peux empêcher personne d'y entrer, alors je mets rien de précieux à l'intérieur" dit Manu quand Nadine, elle, n'accorde aucune importance au viol collectif dont elle a été victime tant elle considère son vagin comme un simple trou. Considérer son vagin comme un simple trou et ne pas s'offusquer de l'entrée forcée d'un pénis, c'est, pour ces quelques féministes, se détacher de son vagin et exister indépendamment de lui. C'est ne pas résumer sa personne à la zone sexuelle. La théorie est bien fumeuse. Elle n'est, pour ma part, que négation et fuite en avant et ne peut, en rien, aider les femmes violées. le viol n'est pas un acte sexuel. Ce n'est pas qu'une simple pénétration. le viol est l'expression d'une violence et d'une domination. Il n'est que mépris pour l'Autre devenu objet. Violer, c'est anéantir l'Autre. C'est refuser son existence. C'est le réduire à un objet. C'est dominer, c'est assurer la soumission de la personne violée, c'est passer outre son consentement qui, d'ailleurs, n'existe plus. Admettre et donner raison aux théories fumeuses de ces quelques féministes, c'est ouvrir la porte aux plus grandes dérives. Par quel(s) argument(s) alors pourrait-on interdire la pédophilie par exemple? Dira-t-on à un enfant que la pénétration forcée dont il a été victime n'était pas si grave et qu'il suffit de relativiser et de s'en détacher pour vivre mieux ensuite? le viol est à bannir en ce qu'il est imposé et qu'il ne reconnait pas le principe du consentement libre et éclairé. Il est à considérer comme un crime. C'est une arme de destruction psychologique et physique. Rien que ça.

Baise-moi est le roman d'une féministe qui bouillonne de l'intérieure et qui a des choses à dire. Une femme (Virginie Despentes) qui dénonce le système d'influence et qui, par son écriture, détruit ce qui a été construit. C'est un roman difficile à lire qui secoue et agite. Un livre qui impose son style et son rythme. On aime ou on n'aime pas. Naturellement. Pour ma part, je reste mitigée, n'étant pas une adepte de ce genre d'exercice littéraire.
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