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Critique de urdelcire


Alors, Deville, comment donc s'appelle cette forme littéraire dont tu abuses, qui colle si bien avec tes entrelacs et tes boucles, parfois si contingentes ou anecdotiques que tu dois encore en imaginer qui auraient pu survenir ?
Patrick Deville, c'est dans tes pages introspectives que tu es le meilleur, quand tu as tout lu de ta pile de gauche, et que tu t'autorises à ton propre, que tu médites sur ton incapacité au sur-place en terre ferme, même sur l'atoll encore inconnu où tous tes fantômes te rejoindraient dans leurs orbes. Magnifique pages 347-8 ! « Moins on fréquente de vivants et davantage les morts s'assemblent et vous cotoient ». Deville, faut s'accrocher pour poursuivre tes chapitres, on râle souvent sur ces petites histoires qui paraissent trop fragiles, et puis en fin de bouquin on s'aperçoit qu'on ressent, sans ligne directrice, rien qu'en visions de voyageurs, toute l'histoire européenne de ces cartes postales de nos tristes tropiques. Et puis, pour le flux de conscience que ces voyageurs ont brisé, pour le chant des poissons que tu n'entends pas, on pourra toujours suivre ton conseil de lecture, le Roi absent de Moteai Brotherson. Car, Deville, malgré tout, c'est de la cage des méridiens que tu observes, pour écrire ta Guerre des Gaules.

Médusé en mers bleues, début classique, un médecin photographe primo-affecté là. Émerveillement et jalousie pour ces vies lentes de navigations mais qui vont si vite de créations. Ta bande de joyeux vagabonds, que tu tentes d'adjoindre à tes propres noeuds de vie, et tu écris une pathopolitique coloniale, ta pathopoétique. Critique douce d'un anticolonialisme, qui n'est que réactionnaire et passéiste, éloge de cette modernité par effraction apportée par ces aventuriers très officiels, rebelles sans doute « contre l'assignation du siècle et du lieu », faisant fi des ménages de tantes de province, mais bien à la solde des nations et de l'industrie. «Des lieux qui furent rêvés par les Tahitiens eux-mêmes, puis par les «hommes-blêmes». Ce «trop tard» des suivants, qui voulaient le royaume primordial, en forme littéraire. Ce romantisme tahitien inventé, cette contemplation, en forme de «fuite» sur le Réel. Mais cette belle théorie d'une vie adulte faite de collectes de lieux, de conjonctions, aux noeuds et aux boucles des rêveries de l'enfance et des projets de l'adolescence, pour « enfin ne plus bouger » et résonner tranquille, «comprendre et accepter que nous sommes tous des enfants, toujours», se connecter quand vient la brillance de la fin à la toile du multivers, y émettre ses quelques photons en propre qui se joindront au tout.

Richesse de la langue des Tuamotu pour exprimer l'âme, ses attributs, son passage dans l'autre monde. Et le vent. Un peuple d'artistes. Toi : une littérature-voyage, et toujours initiatique; Gauguin, la peinture, le mystère du surgissement de la création advenant à la surprise même de la main; mais, la chanson, Deville ? On snobe ? Pourquoi ces deux seules petites allusions à l'épopée Brel, quand tu donnes la belle place par exemple à un obscur écrivaillon pétainiste ? Parce que le beau vinyle bleu de 1977 ne tenait pas dans ta pile ? Parce que Brel t'es trop contemporain ? Pourtant tu lui piquas bien, pour ta jaquette, le même bleu des Marquises.
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