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Critique de Arimbo


Dans notre époque marquée par la pandémie virale, et à un moment où le pire des climatosceptiques, car président de la plus grande puissance mondiale, vient de faire perdre 4 ans à la lutte de l'humanité contre le réchauffement climatique et la perte de biodiversité, j'ai voulu relire, 10 ans après, ce livre passionnant, écrit par Jared Diamond, biologiste de l'évolution, afin de voir si les causes potentielles d'effondrement de notre planète identifiées en 2005 par l'auteur étaient toujours à l'oeuvre, et ce que nous avions fait depuis.
Au passage, ce livre avait beaucoup marqué Barack Obama, le président précédent, qui, lui, lisait des livres pour s'efforcer de comprendre le monde.

Diamond, auteur aussi du remarquable "De l'inégalité parmi les sociétés" fait partie de ces hommes, qui, comme Harari, ont une vision tout à fait originale de l'évolution de l'humanité, et savent "voir large" dans leur vision du passé, du présent, et de l'avenir. Et, même si leur vision peut comporter des failles, elle a le mérite d'être argumentée, et dans le cas de Diamond, d'être étayée par de nombreux faits scientifiques et non des fake-news.

Le livre traite d'une question cruciale pour notre temps. Comment et pourquoi les sociétés humaines peuvent s'effondrer ou au contraire survivre?

A l'aide de nombreux exemples tirés du passé, puis d'une analyse de certaines de nos sociétés actuelles, l'auteur nous livre l'ensemble des facteurs qui peuvent contribuer à l'effondrement d'une société humaine.
Puis, dans plusieurs chapitres passionnants qui concluent l'ouvrage, il essaie de dégager les raisons qui amènent les sociétés à prendre des décisions catastrophiques pour leur survie. Et surtout dans un dernier chapitre, il identifie les problèmes actuels qui sont susceptibles de conduire à l'effondrement de notre humanité, répond aux objections de ceux qui contestent ou minimisent ces problèmes et nous donne des pistes pour relever les défis.

Sans entrer dans les détails, car c'est un livre dense, de près de 900 pages, après un préambule consacré à l'Etat du Montana, dont l'auteur est originaire, et dont le but est de montrer que les problèmes qu'il développera plus loin se posent tous dans un État considéré comme "préservé", l'auteur décrit d'abord des sociétés du passé qui se sont effondrées.
Il identifie 5 facteurs qui en se combinant, contribuent à l'effondrement: dégradation environnementale, changement climatique, voisins hostiles, perte de partenaires commerciaux, et réponses de la société elle-même à ses problèmes environnementaux.
Les exemples vont de l'île de Pâques, dont la société s'est effondrée par la seule dégradation de l'environnement, aux Vikings du Groenland qui se sont effondrés du fait de la conjugaison des 5 facteurs y compris le refus de s'adapter au moment de l'effondrement, ce qui aurait permis leur survie.
Cette description des sociétés effondrées et des causes de leur effondrement est passionnante, très détaillée et constitue près de la moitié du livre.

L'auteur montre ensuite comment, à l'inverse, 3 autres populations ont réussi à s'adapter pour faire face à un effondrement, soit sur mode d'autorité, soit sur un mode participatif, avec des solutions multiples et parfois drastiques, qui vont de la gestion raisonnée des forêts imposée par la force au Japon de l'ère Edo, de la pratique d'une agriculture durable combinée à une régulation des naissances comportant une part d'infanticide en Papouasie, de l'élimination totale du porc en raison des dégâts supérieurs au bénéfice alimentaire plus une politique de régulation des naissances sur l'île de Tikopia. Ces exemples montrent que par le passé, chez certains, ni l'intelligence ni le courage n'ont fait défaut pour résoudre les problèmes environnementaux.

Puis, et c'est la partie qui comporte peut-être une part d'incertitude dans l'analyse, l'auteur s'attaque aux sociétés contemporaines. Il montre comment le génocide au Rwanda est en partie lié à la surpopulation et au mode de partage des terres, comment Haïti a reproduit un scénario proche de celui de l'île de Pâques, alors que la République Dominicaine a réussi, en partie, à préserver son environnement. Il analyse les problèmes auxquels est confrontée la Chine, déforestation, désertification, disparitions des marais, problèmes d'approvisionnement en eau, pollution chimique et atmosphérique etc...Il présume que, s'il le veut, ce pays extrêmement unifié peut prendre rapidement des décisions en faveur de l'environnement. C'est effectivement ce que l'on voit à l'oeuvre maintenant, mais aussi, malheureusement, un pillage des ressources du continent africain. L'exemple de l'Australie est particulièrement intéressant, car il montre que ce continent est celui de tous les risques, et effectivement les sécheresses et incendies cataclysmiques qui se produisent depuis quelques années lui donnent raison. de multiples problèmes sont relevés par l'auteur: des sols géologiquement pauvres et qui ne peuvent se renouveler, des sols salinisés, des pluies incertaines, des variations climatiques extrêmes, et puis des choix agricoles inadaptés, dont il donne de multiples exemples, tels l'élevage intensif, etc....Il propose des solutions dont certaines drastiques, comme l'abattage total du bétail.

Dans une dernière partie, à part une partie un peu longue sur les grandes entreprises et l'environnement, l'auteur nous fait une synthèse passionnante des problèmes.

D'abord, et c'est important pour nous tous actuellement, il essaie de résumer pourquoi les sociétés prennent des décisions catastrophiques.
- le défaut d'anticipation soit parce que le problème n'a jamais été rencontré, soit par l'oubli des catastrophes passées, soit par le raisonnement par analogie, par exemple des colons qui entreprennent une agriculture sur un sol pauvre par analogie au pays d'origine où le sol est riche.
- le défaut de perception du problème, qui, il faut le dire, est de moins en moins possible à mesure que nos connaissances progressent. Ainsi en fut-il de la qualité des sols ou de leur salinisation, du réchauffement voire par le passé du refroidissement climatique, qui peuvent être masquées par des variations annuelles etc...
- l'incapacité à régler un problème alors qu'il a été perçu, et c'est le principal problème qui se pose actuellement à notre humanité. L'auteur en énumère les causes multiples, rationnelles comme le besoin de se nourrir,se chauffer, pour les populations pauvres, la recherche du profit, l'égoïsme, les conflits d'intérêt, la concurrence pour les ressources non durables. Et aussi les causes irrationnelles innombrables, dont les croyances religieuses ou autres, et le déni psychologique. Cela fait froid dans le dos, et l'on se dit que cela ne n'est pas arrangé depuis l'écriture du livre, à preuve les pays dirigés par des dirigeants niant l'évidence, comme Trump ou Bolsonaro, et la floraison des thèses complotistes, obscurantistes sur les réseaux sociaux.
- et enfin, bien entendu, c'est l'échec des solutions prises malgré les efforts entrepris, et c'est peut-être ce qui attend notre humanité. Ce fut le cas pour les sociétés anciennes qui n' avaient pas les connaissances écologiques que nous avons, mais c'est aussi le cas, à l'heure actuelle, de l'éradication des espèces nuisibles, des mesures prises pour prévenir les incendies de forêts, etc...

Ensuite, il détaille les 12 problèmes principaux auxquels nous faisons face:
La destruction des habitats naturelsu
L'exploitation non-durable des ressources marines
La perte dramatique de la biodiversité (la 6ème extinction massive de l'histoire terrestre)
L'exploitation massive des ressources fossiles
L'utilisation excessive de l'eau mondiale
L'utilisation excessive de la lumière solaire à des fins humaines au détriment des forêts naturelles
La pollution chimique dont les pesticides
L'installation d'espèces étrangères hors de leur éco-système d'origine
La production de gaz à effet de serre, CO2 et méthane, responsables du réchauffement climatique
L'augmentation de la population mondiale
La consommation crue de ressources et la production excessive de déchets liées à l'élévation du niveau de vie.
Tous ces problèmes sont liés, et il faut les traiter ensemble, et de façon mondiale.
Sans entrer dans le détail des solutions qui seront politiques et citoyennes, je voudrais ici relater ce que propose l'auteur: l'importance de s'appuyer sur le savoir des scientifiques; le rôle que chacun peut jouer: voter en fonction des engagements et résultats obtenus par les politiques en matière d'environnement; orienter totalement et dans tous les domaines sa consommation vers celles de produits et services respectueux de l'environnement; contribuer à financer des fondations ou associations qui agissent pour l'environnement, et enfin limiter sa consommation de biens et services et sa production de déchets.
L'auteur insiste bien sur le fait que la technologie ne résoudra pas tout.
Il nous montre un exemple, celui des Pays-Bas qui a su, par le passé, relever le défi.
Eh bien, Mr Diamond, depuis 15 ans, certes, la prise de conscience s'est accrue, à preuve l'Accord de Paris, la politique européenne, et le virage écologique de la Chine. Mais aussi, que de reculs! Les années Trump, le Brésil de Bolsonaro, l'essor des fake-news.
En tout cas, votre livre, bien que très dense, est, je le trouve essentiel
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