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Critique de Bastien_P


Relativité et profondeur

Depuis le temps que mes lecteurs m'incitaient à lire Dick (pas Moby, hein, mais Philip K.), j'ai enfin franchi le pas. C'est vrai que pour un auteur de SF, il s'agit d'un incontournable, un peu comme Frédéric Soulier pour les carnistes. J'ai donc entamé ma découverte avec certaines de ses nouvelles, histoire d'avoir une vue d'ensemble de ses concepts, de ses questionnements, de sa folie aussi.

Ce que j'ai apprécié d'emblée, c'est qu'il n'en fait pas des caisses. L'écriture est épurée, l'auteur va droit au but. En même temps, il s'agit de nouvelles, quoi de plus normal ? Ses scènes comme ses personnages sont empreints de vérité, de réalisme, et n'hésitent pas à dépeindre tous les aspects de l'âme humaine. Cette profondeur dans le caractère des protagonistes, dans leur histoire aussi, contribue à nous plonger dans leurs vies et dans leurs pensées, en quelques lignes à peine. C'est là la marque des grands auteurs.
L'écriture est souple et rythmée, plutôt visuelle. Un régal de lecture et de compréhension. Des descriptions minimalistes, parfois plus détaillées, suffisent à rendre une atmosphère angoissante, mystérieuse, pressante, ou encore burlesque. L'étrange côtoie l'extrême normalité. Des vies somme toute banales sont perturbées par une découverte inédite ou une conception déviante de la réalité. Voilà la recette des nouvelles de Philip K. Dick.

Il explore la relativité de manière très pertinente. La relativité des points de vue, mais aussi la relativité temporelle, spatiale, la mémoire, l'évolution, et tout ce que la réalité a de paradoxal, incluant la folie. Certaines nouvelles m'ont quelque peu frustré, car l'auteur n'en soulève le vrai sujet qu'à la toute fin, et laisse son lecteur faire le gros du boulot. Cependant, d'autres relèvent tout simplement du génie. Elles soulèvent des questions légitimes, parfois gênantes, quitte à nous repositionner en tant qu'espèce pensante et “dominante”, et forcent souvent à l'introspection.

Le problème des bulles associe tout ce que j'aime dans la science-fiction. La folie liée à l'ennui, mais aussi les prouesses technologiques – ici la maîtrise de l'énergie subatomique -, le besoin d'explorer l'infiniment grand ou, à défaut, l'infiniment petit, la paternité de créations qui nous dépassent, et surtout la relative toute-puissance de notre espèce, de notre monde, et de leur place dans un univers dont on ignore bien des choses. le tout avec des personnages impliqués et concernés par ces questions éthiques qui semblent tellement secondaires. Brillant.
Projet : Terre met efficacement en relief l'ethnocentrisme dont nous nous rendons si souvent coupables. Il y est question de créationnisme, de dépendance ou encore de responsabilité. Malin.
Un auteur éminent est peut-être ma nouvelle préférée de ce recueil, car elle expose intelligemment la relativité temporelle. Ici, Dick nous donne l'illusion de nous balader dans la dimension spatiale, puis nous colle finalement devant le nez une réalité bien différente. Un bijou de relativisme sur fond de théologie.
Mention rigolade avec A vue d'oeil, où Dick traite en quelques pages de l'usage des mots, de leur importance pour un auteur s'il souhaite que son histoire tienne la route. Il allie erreurs lexicales et invasion extraterrestre dans une histoire désopilante où la peur des aliens coïncide parfaitement avec la justesse de la langue.
Les autres nouvelles m'ont un peu moins plu, mais méritent tout de même que l'on s'y arrête.

Tout le monde peut lire Philip K. Dick. Sa plume est très accessible, et la science-fiction n'est pas un gros-mot. Au contraire, elle se pare souvent d'éléments bien tangibles pour nous amener à réfléchir sur notre monde, notre réalité, et à ouvrir les yeux d'une manière plus globale.
Je tenterai sans faute l'un de ses romans.
Lien : https://editionslintemporel...
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