Yrmeline et le château du Graal

Yrmeline frissonna nerveusement. Elle sentait encore peser sur elle le regard vindicatif du moine-médecin au moment où ce dernier avait passé la porte. Qu'elle fut ou non disculpée de toute tentative d'empoisonnement, aux yeux de Weinberg, la jeune femme n'en demeurait pas moins un dangereux esprit diabolique. La jeune femme poussa un long soupir. S'aliéner l’Église avant l'instruction du procès de messire Konwoïon risquait fort d'entraîner la perte du vieil apothicaire ! Sans parler des répercussions désastreuses qui en découleraient fatalement !
La voix douce et posée de sa sœur tira la jeune femme de ses considérations silencieuses.
« Vous est-il si pénible de lire cette lettre, ma mie ? Préférez-vous que je m'en charge ? »
Yrmeline lui adressa un sourire plein de gratitude mais déclina son offre. Elle n'ignorait pas que Ludolf-König von Weizau avait partie liée avec l'ordre Noir. Aussi ne pouvait-elle empêcher son imagination débridée d'échafauder les pires suppositions. Allons, assez tergiverser ! Se gourmanda-t-elle. Yrmeline s'approcha de la cheminée pour avoir davantage de lumière et d'un geste décidé décacheta le pli du Landmeister.
Le silence fut pesant dans la chambre tandis qu'elle prenait connaissance du billet, griffonné à la hâte sur un bout de parchemin. Inconsciemment, Clothilde et Aliénor retenaient leur souffle, s'efforçant de faire taire leur appréhension. Mais au moment où Yrmeline releva enfin la tête, une flambée de colère fit trembler la lettre entre ses mains.
« Par tous les saints ! Serait-il arrivé malheur à messire Konwoïon ? », s'écria Aliénor d'une voix blanche.
Les yeux étincelants de rage contenue, Yrmeline se contenta de lui tendre le pli, sans rien dire. Sa sœur s'en saisit aussitôt et lut à voix haute :
« Il ne tient qu'à vous de voir votre mère se rétablir au plus vite. Pour cela, retrouvez-moi après complies ! Empruntez l'escalier dérobé qui vous a permis de sortir du fort Lindanis en toute discrétion, ce matin. Un serviteur vous ouvrira la porte.
Le sort de dame Ermengarde est entre vos mains. Alors ne négligez pas mon conseil : venez sans faute ou vous porterez bientôt le deuil de votre mère ! »

À cet instant précis, d’étranges lueurs fantomatiques jaillirent du néant pour traverser les ténèbres à une vitesse vertigineuse. Fusant de part et d’autre, ces apparitions, semblables à des spectres échevelés, se mirent alors à tournoyer sur elles-mêmes et à virevolter dans tous les sens. Elles disparaissaient continuellement dans les profondeurs de la nuit comme pour mieux revenir à la charge. Cernant les hommes de leurs voiles luminescents et impalpables, elles s’enroulaient autour d’eux, ondulaient et se mouvaient pareilles à des entités vivantes. Lanz sentait à chacun de leurs passages de brusques bouffées d’air chaud l’envelopper et, bien vite, perçut de désagréables vibrations palpiter jusque dans son corps. Terrorisé, il tenta de prendre la fuite mais ne put exécuter un seul pas. Malgré ses efforts désespérés, il demeura figé sur place comme si ses pieds s’étaient enracinés dans le sol.

Satan, le Dragon, l’antique Serpent, avait été enchaîné pour mille ans, affirmait l’Apocalypse de Jean. Et quand les mille ans seraient écoulés, Satan serait relâché de sa prison. Alors il s’en irait séduire les nations des quatre coins de la Terre et les rassembler pour la guerre.
Mille ans.
La terrible prophétie arrivait à échéance !
Voilà pourquoi le témoignage de Joseph d’Arimathie devait impérativement rester ignorer de tous, sous peine d’éveiller le Mal en personne !

Yrmeline affronta hardiment le froid courroux de son mari. Derrière le demi-sourire du Bellator Rex couvait une réelle férocité que sa jalousie envers Lanz ne faisait que renforcer. Yrmeline en éprouvait toute la dangerosité. Se sachant impuissante à contenir ses attaques, elle en concevait une peur bien naturelle. Mais nulle frayeur n’entamerait ses résolutions. Non, elle ne reculerait devant rien pour abattre le Temple Noir !

"Je pensais savoir à quoi m'en tenir sur la duplicité des femmes. Mais je m'aperçois qu'avec toi, j'étais encore loin du compte! persifla t-il, cherchant à la blesser dans son amour-propre. Mais, crois-moi, je vais te faire regretter amèrement la perfidie de tes actes!"

Mot de l’auteur

Suivez-moi, amis lecteurs ! Ensemble, nous allons remonter le temps. Mais attention, nous irons peut-être beaucoup plus loin que vous ne le supposiez…

« Cette date n’appartient pas à l’histoire des hommes
Mais à celle des dieux. »

“Suivez-moi amis lecteurs ! Ensemble, nous allons remonter le temps. Mais attention, nous irons peut-être plus loin que vous ne le supposiez…”