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Critique de Pecosa


« -A vrai dire, j'ai tellement changé depuis ce matin que je ne saurais plus dire qui je suis… » dit l'Alice de Lewis Caroll. L'Alice de Thomas Disch et John Sladek pourrait en dire autant: de riche petite fille blanche scolarisée dans un établissement huppé de Baltimore, elle est devenue noire, pauvre, et recluse dans une maison de passe afro-américaine de Virginie, alors qu'à l'extérieur, la bataille pour les droits civiques fait rage et que le Ku Klux Klan rôde…

Comment Alice Raleigh, onze ans, blonde aux yeux bleus, héritière des Duquesne, est-elle arrivée là? Kidnappée par de mystérieux ravisseurs qui demandent un million de dollars à ses parents, elle a été grimée en noire afin de passer inaperçue, et placée sous la surveillance de Betsy, une mère maquerelle. Un exemple de « Passing » racial comme le nomment les nord-américains, mais aussi social. Recluse, Alice le devient dans le bordel, sous la garde des pensionnaires qui ignorent sa véritable identité, mais recluse elle l'est aussi dans la banlieue de Norfolk, petite fille, noire d'apparence, dans le quartier défavorisé à la merci des suprématistes qui s'opposent, dans le Sud des années 60, à toute velléité d'émancipation.

Ce très bon roman noir, caustique et cru, est le fruit de l'imagination de deux auteurs de S.F, Disch et Sladek. Leur thriller, classique, un kidnapping, une rançon, l'enquête, prend un virage à 90 degrés, et leur permet grâce à une traversée du miroir, raciale, sociale, politique, de dresser un état des lieux de la ségrégation.

Les personnages sont aussi fantasques et cruels, qu'une Reine, un Chapelier fou, et un chat souriant. « Mais je n'ai aucune envie d'aller chez les fous ! - Oh ! vous ne sauriez faire autrement, tout le monde est fou, ici… » Autour de Black Alice aussi, tout le monde ou presque est fou… Heureusement que cette petite fille intelligente et sensible est dotée d'une grande capacité de résilience. Que ce soient ses parents (indignes), surtout son géniteur, Roderick Raleigh, un raté geignard et dénué de morale qui aime à citer Shakespeare, ou les débiles du KKK qui se cachent derrière des « Grand Cyclope »  et « Grand Dragon du Royaume Virginie », mais qui aiment coucher avec des filles de couleur de chez Betsy… Ce roman d'apparence foutraque est fort bien écrit . Grâce à l'imagination débridée de ses auteurs et à leurs innombrables trouvailles, il nous plonge avec violence dans la schizophrénie américaine.
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