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Critique de Kittiwake


Si La condition pavillonnaire déroulait inexorablement le fil du temps de la vie d'une femme du vingtième siècle, avec Quand le diable sortit de la salle de bain, Sophie Divry s'en paye une tranche, si j'ose dire. C'est en effet un épisode ciblé du quotidien d'une jeune femme, mise sur la touche pour de banales et habituelles raisons : divorce, licenciement, chômage pour en arriver au plus rude : fin de droits et RSA. Autrement la misère, si on la définit comme une lutte de tout les instincts pour assurer ses besoins fondamentaux, manger pour rester en vie :

« Tous les humains, depuis de millénaires, ont dû se remplir l'estomac. C'est l'unique réalité qui ne sera pas suspendue par une révolution, un changement de saison ou un bisou magique ».

C'est si fondamental que c'est la trame du roman. Et c'est compliqué quand les factures tombent et que l'on sait qu'il ne reste que quelques euros avant le prochain versement de l'aumône d'état. Il suffit alors d'un grain de sable dans les rouages, une pige pas matérialisée à temps par un bulletin de salaire, et des règlements administratifs idiots dans leur rigidité, consolidés par le perfectionnisme de ses tacherons.

Certes Maman est là : mais il vaut mieux rester discret sur ses galères si on ne veut pas subir la cohorte des « je te l'avais bien dit ». Et c'est mal parti lorsqu'on est accueillie par un « je te trouve en pleine forme », alors qu'on a l'estomac dans les talons depuis plusieurs jours. Alors on profite de l'aubaine et de l'hébergement pour juste se refaire des stocks de calories, en éludant les sujets qui fâchent.

L'auteur se permet des fantaisies d'écriture et de mise en page qui sont un vrai régal. Elle s'y fait malmener par un de ses personnages tyrannique et amoureux pas transi du tout. Bertrande, une autre bouée de secours, est une belle âme que les dérives de la société qui met sur le carreau une foule de gens ordinaires, à l'instar de notre narratrice, occupent à plein temps. Quand au diable, il est prêt à surgir à chaque page, bien conscient qu'il est facile de prendre dans ses rets un quidam fragilisé par la précarité.

L'écriture se fait plus mélancolique lorsque sont évoquées les illusions perdues :

« Quand la terre eut fini d'absorber les larmes de mon père, les barrières du parc qui cernaient mon enfance s'étaient effondrées. »

ou le manque de fondement moral de notre monde :

« La vie est pleine d'action sans intérêt auxquelles les adultes ne songent pas lorsqu'ils lancent leur projet d'enfant, acceptant de fait que bébé risette passera plus de temps à apprendre à conduire une voiture ou à monter un dossier de prêt immobilier qu'à approfondir moralement la notion de justice, esthétiquement la notion de beauté, politiquement l'égalité ».

C'est un roman bien ancré dans son temps, qui évite la nostalgie inutile des « c'était mieux avant » ou les prophéties des oiseaux de malheur tout aussi vaines. le ton est vif et enjoué, léger malgré le drame qui se joue. L'humour et l'autodérision sont des refuges tout autant que la violence ou l'autodestruction.


Si Dickens avait eu plus d'humour….

Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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