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Critique de moustafette


Recherchant des romans ne faisant référence ni à Camus ni à la guerre d'Indépendance, c'est ainsi que j'ai découvert Abdelkader Djemaï et son abbé Lambert. Et quelle histoire étonnante que celle de ce curé défroqué, fumeur, amateur de femmes et d'anisette, sourcier, voyageur et maire d'Oran pendant sept ans !


Né en 1900 à Villefranche sur Mer, Gabriel Irénée Sépharin Lambert poursuivit ses études avec succès en Auvergne au séminaire de Saint-Flour. Docteur en théologie et philosophie, il intégra l'armée pour ses obligations militaires, ce qui eut le don de le rendre antimilitariste. Initié à la radiesthésie pour laquelle il se découvrit des dons certains, il partit rapidement exercer ses talents aux quatre coins de l'Europe, là où sa réputation grandissante l'appelait. S'éloignant de plus en plus de la vie religieuse, ses prises de positions, ses publications et son goût de la polémique et des mondanités finirent par l'exclure de l'Eglise, ce qui ne l'empêcha pas de continuer à porter la soutane. C'est ainsi qu'après un passage au Maroc, sa réputation de sourcier l'appelle en Algérie et plus précisément à Oran, où les cent soixante mille habitants souffrent de la salinité de l'eau courante et mettent en péril la réélection prochaine du maire en place. La vie trépidante de l'abbé Lambert prend un nouveau tournant quand, en 1934, il est élu maire et que se profile la Seconde Guerre mondiale. Personnage à première vue plutôt sympathique, il deviendra plus ambigu, puis finira par s'engager du mauvais côté au fur et à mesure que se rapproche les bruits de bottes. Rentré en France à l'Indépendance, il meurt en 1970 à Antibes.

A travers l'histoire étonnante de ce personnage, c'est aussi l'occasion pour l'auteur de rendre un bel hommage à Oran la radieuse, dont il est originaire, et d'entrainer le lecteur dans une balade historique de la ville, tour à tour andalouse, ottomane, française mais finalement toujours algérienne. On y apprend un tas d'autres choses, notamment à propos de personnages y ayant séjourné, comme par exemple Miguel de Cervantes après sa libération du bagne d'Alger en 1582, ou le célèbre Robert Houdin, père de la prestidigitation, venu en 1856 contrer par ses tours de magie l'influence des Marabouts. On parcourt les différents quartiers de la ville, du centre européen et haussmannien aux faubourgs populaires, jusqu'au Village Nègre (voir l'article ICI) , on visite les principaux monuments, la corniche et les plages des communes environnantes. L'écriture est colorée et laisse s'échapper des parfums de fleurs, de cuisine, de marchés, de nostalgie aussi. Quelques belles envolées concernent la radiesthésie.

Si la lecture nous plonge principalement dans le monde colonial de cette époque, l'auteur n'en oublie pas la misère, l'analphabétisme, les maladies, dont souffre une grande partie de la population, celle des colonisés relégués dans les quartiers pauvres, manoeuvres, journaliers au service des colons. Ville multicolore et multiculturelle, Oran s'est enrichie de ses différents occupants et en garde encore les traces. Et j'ai énormément apprécié cette promenade très vivante dans une ville que j'adorerais visiter un jour peut-être à la recherche de quelques uns des miens.


Lien : http://moustafette.canalblog..
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