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Critique de Jcequejelis


J'avais, du Canal du Midi, le souvenir d'un documentaire de télévision, dont il me restait de magnifiques images, un nom : Riquet - sans même le prénom - et, une grande curiosité sur cette entreprise gigantesque.

Lorsque je vis, dans la liste de Masse-critique, l'essai de Monique Dollin du Fresnel, je le cochai immédiatement. J'eu l'heureuse surprise de le voir arriver. Il allait me dire, qui était cet homme et comment avait été réalisé un tel travail !

Or, comme c'est souvent le cas, la lecture a répondu en partie à mes questions mais elle en a généré une telle quantité, qu'il est impossible de toutes les noter ici. Ce qui est le rôle d'un bon livre : vous amener à en ouvrir d'autres.

Il est attrayant, agréable à lire, remplis d'illustrations et agrémenté de petites anecdotes ayant un rapport lointain avec Riquet - (Corneille plagiant Marie de Calages p. 50 ; L'Affaire Calas p. 355 ; la Brinvilliers p. 291.) – mais, replaçant le sujet dans son siècle.

La quatrième de couverture parle d'une biographie, mais pour moi c'est une monographie familiale allant de la Toscane du XIIIe siècle, à la France du XXe , avec comme héros Pierre Pol Riquet et son canal. On a ainsi l'histoire de cette famille et même des Mirabeau, lointains cousins (p. 19-20).

Pierre-Pol s'enrichit grâce à la gabelle et ses descendants grâce au canal. Il fait partie de cette bourgeoisie qui accède à la noblesse et dont la postérité s'alliera à tout ce qui compte en Languedoc, en France et même en Belgique.

Riquet figure parmi les aïeux de l'auteure (cf. citation p. 8). Elle donne, avec des tableaux, l'ascendance et la descendance de son héros (Caraman-Chimay, Mac-Mahon..) et même comme pour Henry Russell-Killough (1839-1909), une courte biographie. Pour un amateur de généalogie, comme moi, c'est un plus.

Elle suit Pierre Pol dans ses déménagements, dans son travail de fermier général de la gabelle, dans ses voyages, dans ses châteaux, dans ses aventures (la dispute avec deux moines p. 11)

Bien sûr, le plus gros de l'ouvrage est consacré au Canal. Monique Dollin du Fresnel fait bien allusion aux autres projets de canaux (Arribat cf. citation p. 27-28, Charlemagne, François Ier, Henri IV, p. 89-90), mais il faut aller à la page 418 de la chronologie sélective pour voir cité Etienne Richot.

Et pourtant : « de l'aveu même de Riquet, écrit Gérard Crevon, c'est en 1650, 12 ans avant qu'il ne propose son projet à Colbert, qu'il commence à se préoccuper sérieusement de la construction d'un canal de navigation entre la Garonne et l'Aude. A cette date-là Riquet a 41 ans, il habite Revel depuis 2 ans, il est sous-fermier des gabelles pour Mirepoix et Castres, et il est riche. En homme curieux des travaux publics, il s'est rapidement avisé que sa ville est alimentée, depuis sa création au 14° siècle, par un canal de dérivation qui prend son eau dans le Sor près de Sorèze. Et que cette rivière a un débit important, qui même au plus fort de l'été reste honorable.C'est certainement à ce moment-là que Riquet a sa première intuition géniale. Périodiquement, l'opinion languedocienne est agitée par le projet d'un canal qui relierait l'Aude à la Garonne, et notre homme de gabelle y accorde un peu plus d'intérêt que tout le monde.

Déterminer le point de partage des eaux : Sur ce plan, Riquet ne part pas de rien. Il y a dans les archives du canal du Midi (V.N.F.) à Toulouse deux opuscules qui prouvent qu'il s'intéresse de près à cette question.
Tout d'abord un « Avis » présenté en 1633 à Richelieu par Messieurs Richot et Baudan "Pour la conjonction de la Mer Océane avec la Méditerranée".
On est certain que Riquet a eu ce document entre les mains car dans sa lettre de 1662 à Colbert il en reprendra presque mot pour mot tous les principaux arguments. Dans cette brochure, les auteurs signalent l'existence du seuil de Graissens, au pied de St-Félix-de-Lauragais, qui met en communication le bassin du Fresquel avec celui de l'Agout et qui permet par là de relier l'Aude à la Garonne via le Tarn. Par ailleurs Richot et Baudan mettent fortement l'accent sur la nécessité de disposer d'eau en quantité suffisante pour alimenter le canal en toute saison. Enfin parmi tous les arguments qu'ils énumèrent en faveur de cette voie de navigation, il en est un qui a forcément dû frapper Riquet : ils citent les économies que l'on pourrait faire grâce à elle sur le transport du sel.»

1) article paru sur L'AUTA n°33 – 5ème série - mars 2012 – pp.85 – 90 ; mis à jour par l'auteur en mai 2012. Gérard Crevon

Je suppose que le livre était déjà écrit lorsque cet article a paru.

Nous suivons la progression du travail, les déboires financiers de Riquet, sa correspondance avec Colbert, ses autres projets, l'établissement de ses enfants, jusqu'à sa mort, à 71 ans, ce qui est un âge avancé pour l'époque et même le devenir du Canal juqu'à aujourd'hui.

Tout au long des chapitres la personnalité de Riquet se dessine. Il est ambitieux, âpre au gain, travailleur, minutieux, tacticien… Paradoxalement, Monique Dollin du Fresnel, ne nous rend pas son ancêtre sympathique, de même pour Colbert et surtout Perrault (qui caricature Riquet dans Riquet à la Houppe). A aucun moment, même s'il s'en réclame, il ne travaille pour le Languedoc ou le roi, mais uniquement pour lui-même. A sa mort ses fils, qu'il a émancipés au début de l'aventure, héritent du fief du canal. Nous avons ici la parfaite démonstration de fonds publics utilisés pour une entreprise privée.

Page 374, (cf. citation) la réaction Thermidorienne entrainant la chute de Robespierre, nous est expliquée, par le fait que Tallien était amoureux de la future princesse de Caraman-Chimay, Thérèse Cabarrus. L'histoire est quand même un peu plus complexe que ça. Je veux bien qu'elle soit entrée dans la famille Riquet mais de là à ce qu'elle ait stoppé la Terreur c'est un peu exagéré. Je reproche à l'auteure, comme elle parle de sa famille, d'un peu forcer le trait.

A la fin du livre on reste avec de nombreux «blancs» : pourquoi avoir fait l'impasse sur Richot (page 89 par exemple) ? Quelles autres informations de ce genre ne figurent pas dans ce livre ? le rôle exacte d'Andreossy ? Quelles ont été les vraies retombées économiques pour le Languedoc ? Que représentait Riquet pour Lesseps par exemple ?

Ce livre est une contribution à l'histoire du Languedoc, à l'histoire des voies de communications et des échanges commerciaux, et à l'histoire du XVIIe siècle.
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