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Critique de Raeghar


Je viens de finir ce livre en me posant une question fondamentale : est-ce une biographie ? Une monographie de la famille Riquet ? Un essai sur le Canal des Deux-Mers ou bien un manuel sur le règne de Louis XIV en insistant sur l'aménagement des voies de communication. Je pense qu'il s'agit d'un peu de tous ces genres. Cette Ambiguïté de classement dans un genre littéraire bien précis en fait son principal atout.

du Fresnel n'est pas avare en détails, en précisions. A l'aide d'une multitude de documents, pour certains inédits et recueillis après un véritable travail de fourmis, elle a ainsi pu dresser l'histoire de la construction de ce qui était à l'époque un pari fou, une réelle innovation. La France de Louis XIV, ce n'est pas seulement le luxe de Versailles, les fêtes fastueuses de la noblesse mais aussi des voyageurs les pieds dans la boue des chemins en manque d'entretien où la circulation devient impossible certains mois.

Au-delà de cette prouesse moderne, le Canal des Deux-Mers (rien que le nom fait rêver), c'est le rêve d'un homme, d'un languedocien dont il dira que c'est « le plus cher de ses enfants » : il s'agit de Pierre-Paul Riquet. Rien ne prédestinait ce fils de noble déchu de ses privilèges à mener un tel chantier. Et pourtant, persévérant, il arrivera à déposer son projet sur le bureau du bon homme : Colbert, l'homme aux multiples porte-feuilles ministériels. L'intérêt d'un tel travail que je qualifierai de « global », c'est de présenter également l'homme pour lui-même. L'auteure, une descendante du célèbre ingénieur et fermier des gabelles du Haut-Languedoc, a la plume facile et n'hésite pas à narrer la vie de l'homme rendant la lecture plaisante.

Il est vrai que parfois elle rentre dans les détails poussant plus loin certains points comme présentant une personne ou bien faisant un point sur la situation du royaume de France. Ces « paragraphes annexes » sont à double tranchant. Pour un lecteur qui n'est pas un féru d'Histoire, ils sont une vraie mine d'informations, évitant d'incessantes recherches extérieures. Pourtant, ces encarts, trop insérés dans le texte (ils ne sont pas signalés) font perdre le fil de l'aventure du Canal. On pourrait même rapprocher à du Fresnel de trop rentrer dans des détails dont on peut remettre en doute la présence comme un (trop ?) long développement sur le sol et les gabelles. Il aurait peut-être mieux valu signaler ces précisions.

Pourtant la lecture du livre n'était pas fastidieuse, loin de là, elle était agrémentée de diverses images que ce soit des photos du Canal ou de portraits de la famille Riquet ainsi que d'extraits de correspondance. On ne peut que féliciter l'auteure d'avoir pris l'initiative d'avoir joint à la fin une chronologie permettant de lier la construction du canal au contexte national et international ainsi que d'ajouter une table de correspondance monétaire et des unités de mesure qui permet plus ou moins au lecteur d'avoir une idée aussi bien des sommes engagées dans ce colossal projet que des dimensions de celui-ci.

Un reproche que l'ont peut peut-être faire à l'auteure, c'est d'adopter un point de vue parfois subjectif n'hésitant pas à valoriser Riquet, « l'homme du sud » par rapport à Colbert, « l'homme du nord ». Il faut toutefois avouer que l'auteure, la plupart du temps, adopte une vision objective. Encore une fois, il me faut souligner le travail accomplis par Monique Dollin du Fresnel pour écrire cet ouvrage qui ne peut que devenir un ouvrage de référence sur le Canal du Midi.

le fait d'avoir adopté un plan chronologie permet au lecteur de suivre progressivement le projet et de faire surtout ressortir l'avant-projet : le combat de Riquet pour faire entendre sa voix malgré les nombreuses critiques venant même pour l'essentiel de son pays natal, le Languedoc. On l'appelle d'ailleurs en se moquant de lui « le Moyse du Languedoc ». Pourtant, au prix de s'endetter lourdement et d'y prendre la vie, il réussira à accomplir cette prouesse même si son canal ne sera relier à l'Océan Atlantique véritablement qu'au XIXème siècle.

La fin de l'ouvrage consacré avec force de détails, aux descendants Riquet (parmi lesquels on trouve l'illustre Maréchal Patrice de Mac-Mahon) m'a amené à me demander si ce livre n'est pas finalement une monographie de la famille Riquet, famille noble puis déchue et finalement retrouvant sa noblesse grâce à Pierre-Paul. Au fond, le Canal des Deux-Mers devient une affaire de famille. Cette dernière partie, accumulant les noms et les personnes, est plus fastidieuse même si le travail de généalogie est intéressant.

Enfin, je voudrais remercier Mme du Fresnel pour cet ouvrage qui m'a fait découvrir le contexte de construction du Canal des Deux-Mers, canal que je connaissais de nom pour l'avoir aborder lors d'un cours mais dont, au final, je savais bien peu de choses. Grâce à son livre, nous avons également un aperçu de ce qu'était le Languedoc du XVIIème siècle : la vie quotidienne, l'organisation politique... Je voudrais la féliciter pour cette longue labeur de recherches qui je suis sûr a été bien riche pour elle puis d'avoir ainsi contribuer à dresser une synthèse sur la vie de Pierre-Paul Riquet, sur sa famille et sur « le plus cher de ses enfants ».
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