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Critique de ninamarijo


Cet écrit est surprenant chez Dostoïevski dont l'oeuvre explore plus souvent des thèmes comme « souffrance et rédemption ».
Ivan Matveïtch venu comme bien des curieux voir le crocodile exposé dans une galerie marchande de Petersburg est avalé par celui-ci sous les yeux hébétés de Elena Ivanovna, sa femme. Commence alors un récit fantastique, comique où la situation burlesque va nous ouvrir des horizons inattendus.

Cet évènement se déroule sous le règne d'Alexandre II dit « le libérateur » car il vient d'abolir le servage et entamer réformes importantes dans tous les domaines, la Russie se libère et devient plus moderne. Ce contexte est important et en Europe c'est le début de l'industrialisation le début du règne du profit.
Dostoïevski nous assène cette phrase « Cette propriété en commun, c'est le poison, la perte de la Russie ! »

Sémionne Semionitch, le seul qui « gardera les pieds sur terre », est le narrateur de ce récit il emprunte un ton journalistique pour narrer l'événement. Selon son habitude, Fiodor dialogue avec son lecteur et le prévient ironiquement : » « J'ai écrit ce premier chapitre du style qui convient au sujet de mon récit. Cependant, je suis décidé à employer par la suite un ton moins élevé, mais plus naturel et j'en préviens loyalement mon lecteur ».

Chaque personnage permet à Dostoïevski de monter ses critiques : des traits de cette société, du système politique, du libéralisme et capitalisme, mais aussi de laisser libre cours à son rejet de l'étranger, et pour cela il va ridiculiser ses personnages.

Matveïtch ce savant fat est dans le crocodile et ne veut pas en sortir : « Tu es comme en prison et la liberté n'est-elle pas le plus grand bien de l'homme ?
Que tu es bête ! Me répondit-il. Certes, les sauvages aiment l'indépendance, mais les vrais sages sont épris d'ordre, avant tout, car, sans ordre... »
Ivan Matveïtch entend profiter de sa situation pour, dit-il, changer la face du monde : « Quoique caché, je vais être fort en vue ; je vais jouer un rôle de tout premier plan. Je vais servir à l'instruction de cette foule oisive. Instruit moi même par l'expérience, j'offrirai un exemple de grandeur d'âme et de résignation au destin. Je vais être une sorte de chaire d'où les grandes paroles descendront sur l'humanité … C'est de ce crocodile que sortiront désormais la vérité et la lumière. »

le montreur de crocodile, Karlchen, un allemand peu soucieux de la vie humaine va déployer « la cupidité et la plus sordide avarice » pour faire prospérer son affaire. L'imagination de Dostoïevski explore la bêtise humaine, il y a du Gogol ici, par exemple dans « les Âmes mortes » ou « le nez ».

Dostoïevski fait d'Elena Ivanovna une sotte, une coquette frivole qui n'aime plus son mari. Il lui fait dire « Oh ! Mon Dieu, que ces gens sont rapaces ! fit Elena Ivanovna en se mirant dans toutes les glaces du Passage où elle reconnut, non sans une visible satisfaction, que cette secousse n'avait fait que l'embellir » ou encore : « Ah ! Me voilà veuve, ou à peu près ! — Et elle eut un sourire enchanteur qui dénotait à quel point sa nouvelle situation lui paraissait intéressante. — Hem ! Je le plains tout de même beaucoup. Ainsi exprimait-elle cette angoisse si naturelle d'une jeune femme dont le mari vient de disparaître. »

Dostoïevski avec Timotheï Semionitc, l'ami loyal, critique aussi la bureaucratie, sa hiérachie et son manque d'initiative : « Avant tout, fit-il tout d'abord, remarquez que je ne suis pas votre chef, mais un subordonné … Puisque vous me demandez un conseil, étouffez cette affaire et n'agissez que de façon strictement privée ».
Voilà un récit bien enlevé que j'ai beaucoup aimé, le comique de situation invraisemblable en fait une critique déguisée et cinglante.
Je termine par cette citation de Doris Lussier : « Et quand la vérité n'ose pas aller toute nue, la robe qui l'habille le mieux, c'est l'humour ».



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