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Critique de Acerola13


Ayant déjà lu les autres gros pavés de Dostoïevski, je n'en étais pas à mon coup d'essai avec cet auteur...Qui réussit cependant presque toujours à me chambouler. C'est à l'édition d'André Markowicz sortie en trois volumes chez Actes Sud que je me suis attaquée, non sans mal !

L'intrigue des Démons se situe dans une petite ville de province bouleversée par le retour de deux jeunes hommes aux desseins plus que douteux : Nikolaï Stavroguine et Piotr Verkhovenski, qui ont l'air bien décidés (l'un plus que l'autre) à mettre la ville sens dessus dessous pour en prendre le contrôle (une sorte de stratégie du choc à la Naomi Klein avant l'heure).

On y retrouve les thèmes chers à l'auteur : amours non verbalisés que l'on perçoit dans les regards et dans les tourments intérieurs de chacun, canailles vivant aux crochets de personnes bien sous tout rapport mais incapables de déceler la sournoiserie de la cour qui les entoure, cercles intellectuels et nobles fermés et moqueurs, messes basses et on-dit qui se répandent à travers la ville, personnages aux fulgurants transports qui les épuisent physiquement, suicide et réflexion sur l'existence de l'homme.

Mais cette oeuvre recèle aussi d'une importante dimension politique, à travers la description que font les différents personnages des idéologies en vogue en Russie dans les années 1860 : nationalisme, libéralisme, nihilisme, socialisme sont autant de "-ismes" qui viennent menacer l'ordre et la quiétude de la Grande Russie...Une critique que l'on pourrait même qualifier de visionnaire, puisque quel que soit leur bord, les membres de la cellule révolutionnaire ont tous plus ou moins accepté l'objectif final suivant : un groupe restreint de personnes se doit de contrôler et d'abêtir les 99% restants pour garantir un régime optimal et idéal. Charmant programme !

Si l'intrigue, complexe à souhait, avait tout pour me prendre aux tripes, j'ai rencontré d'énormes difficultés à venir au terme de ces trois tomes. Pas forcément parce que je n'ai pas aimé les Démons, mais parce que la lecture est ardue : le narrateur qui fait le récit du désastre à venir a l'air aussi impuissant que le reste de la ville et la multiplicité des personnages et leurs surnoms divers m'a un peu désorientée au début de la lecture. Mais c'est surtout le chaos ambiant et les scènes agitées sans qu'on en comprenne réellement les tenants et les aboutissements qui m'ont perturbée ; on se sent à tout moment au bord du précipice, l'on pressent qu'un complot machiavélique est à l'oeuvre et va s'abattre incessamment sous peu sans en voir les contours esquissés. J'en ressortais de chaque chapitre avec une impression de dégoût face à des personnages maléfiques, manipulateurs à outrance, insaisissables tant ils courent sans cesse, et surtout absolument détestables, et auxquels nul ne semble pouvoir échapper.

Dostoïevski réussit ici avec brio à plonger son lecteur dans une sorte de malaise dont on peine à ressortir ! C'est avec un soulagement que j'ai lu la postface du traducteur Markowicz, qui explique les difficultés qu'il a lui même rencontrées lors de la traduction, et l'atmosphère très pesante qui ressort du roman original en russe. Il est aussi vrai que certains passages font penser à un autre texte de l'auteur, le rêve d'un homme ridicule, dans lequel le suicide était déjà abordé.

En bref, une lecture malaisée et malaisante, à ne pas lire si vous êtes déjà d'humeur noire, mais du Dostoïevski dans toute sa splendeur !
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