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Critique de berni_29


Je me suis laissé surprendre par Les Nuits Blanches. Je reconnais que le texte est fait pour nous égarer, comme dans les dédales interlopes de la ville de Pétersbourg. Pour peu qu'on n'y prenne pas garde, il est possible de tomber dans les pièges qu'il nous tend. D'ailleurs, les vrais livres sont un peu faits pour cela.
Les Nuits Blanches, c'est tout d'abord un roman d'amour et comme dans tout roman d'amour, une histoire peut en cacher une autre...
Un roman de quatre-vingt-six pages, autant dire presque la taille d'une nouvelle bien étoffée... C'est un conte de nuit, une fulgurance, une étoile filante dans les ténèbres de Pétersbourg.
Le narrateur, un jeune homme solitaire et romanesque, rencontre, une nuit, dans Pétersbourg désert, une jeune fille éplorée. Elle, c'est Nastenka, dix-sept ans, désespérée par un chagrin d'amour.
La rencontre se déroule sur trois nuits, trois nuits et une quatrième pour dénouer l'écheveau de sentiments qui s'est mélangés parmi nos gestes. Quatre chapitres qui viennent se clore par un cinquième, celui du matin, comme si ces quatre nuits s'étaient déroulés d'un seul bloc en continu sans interruption, sauf par cet ultime matin qui vient clore le récit.
Chacun raconte son histoire, ils s'écoutent, sont attentifs l'un à l'autre, s'apprivoisent, le jeune homme tombe amoureux sans qu'il n'ose le lui avouer, alors qu'elle l'avait cependant mis en garde dès le début, lui avait interdit de s'éprendre d'elle, sinon elle le repousserait. C'est donc sur cette promesse fragile, l'apprentissage d'une amitié que se forge cette relation de quelques nuits... Mais comment faire la part des choses dans ce coeur qui s'émeut, qui s'emballe comme un cheval fou sous sa poitrine ? Amour ? Amitié ? Amitié amoureuse ? On s'émeut déjà, on se rassure comme on peut, pour avoir brusquement reconnu un territoire qui nous était familier.
Le narrateur se définit comme un rêveur, rêveur d'un talent révolu, un marginal, venu de la nuit, reparti de la nuit, comme si exister dans le jour était une tentative éphémère, vaine.
J'ai été tour à tour agacé, désarçonné, emporté par la fulgurance de ce texte.
Oui, - et je vous vois déjà venir, je devine vos airs à la fois craintifs et ironiques, on pourrait s'y méprendre à cause des larmes, pour ne pas dire des pleurnicheries des personnages, ce pathos, cette sensibilité exacerbée, presque excessive...
Le récit s'avère peu à peu bien plus déroutant qu'il n'y paraît au premier abord. Sous ses apparences de roman sentimental en trompe-l'oeil, derrière le discours larmoyant et presque naïf qui finit par ressembler à une parodie, se cachent une tristesse, une noirceur, presque un cynisme...
Étrangement, ces nuits blanches sont lumineuses, comme si les personnages avaient été déterrés des ténèbres d'où ils venaient pour être plongés en pleine lumière le temps d'une grotesque comédie, d'une fausse romance où palpite une douleur intérieure prête à jaillir, à crier à chaque instant. Ces nuits sont lumineuses et c'est le matin qui vient les clore, un matin sinistre qui prend l'aspect d'une gueule de bois.
Derrière l'envers du décor des nuits de Pétersbourg, se cachent les nuits sombres de Fiodor Dostoïevski.
L'incipit du roman est une invitation merveilleuse : « C'était une nuit de conte, ami lecteur, une de ces nuits qui ne peuvent guère survenir que dans notre jeunesse. le ciel était si étoilé, le ciel était si clair que lorsque vous leviez les yeux vers lui, vous ne pouviez, sans même le vouloir, que vous demander : Est-il possible que, sous un ciel pareil, vivent toutes sortes de gens méchants et capricieux ? Cela aussi, c'est une question bien jeune, ami lecteur, mais puisse Dieu vous l'inspirer le plus souvent possible !... »
C'est comme un rêve éveillé parmi Les Nuits Blanches de Pétersbourg. Une digression, une ambivalence qui préside à l'écriture, à la conduite du récit, un texte qui invite à voir autre chose que ce que les mots simplement disent.
Ne comptez pas sur les miens pour vous en dévoiler davantage.
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