Eddie, cyber-chien

La Zone des Exilés abrite tous les laissés-pour-compte depuis la Grande Fuite. Les familles les plus démunies s'y sont regroupées, mais aussi tous ceux qui ont perdu leur travail depuis la disparition des animaux : vétérinaires, soigneurs, éleveurs... désormais inutiles à la société. Certains on trouvé une place, un nouveau rôle à endosser, en rejoignant les laboratoires où ils participent au développement de produits alimentaires de synthèse. D'autres n'ont pu s'y résoudre et refusent de laisser leur ancienne vie derrière eux, de faire comme si tout ça n'avait jamais existé. Par choix ou par contrainte, ils sont devenus des reclus, des marginaux. Une communauté parallèle s'est formée petit à petit, dans l'ombre de la nouvelle société. (pp. 31-32)

Depuis une dizaine d’années, les animaux connectés Cybernity se sont fait une place dans les foyers. Samuel, du haut de ses neuf ans, n’a jamais connu les “vrais” animaux. Comme tous les enfants de sa génération, il a souvent entendu parler de la Grande Fuite, ce mystérieux jour où la population animale a entière­ment déserté le monde des humains. Plus une vache dans les étables, plus un ver dans la terre, plus un chat dans les rues. Du jour au lendemain, tous les animaux ont abandonné zoos, fermes et maisons familia­les. Pour aller où ? Personne ne le sait. Surtout, personne n’en parle. Les animaux font partie d’un passé révolu, tout comme le poulet rôti du dimanche midi. Passé le choc et la panique des premiers jours, les humains ont dû s’adapter. Survivre sans l’aide des bêtes. Seuls.

La rancœur suite de ses mots qui sonnent comme un discours répété, emprunté aux adultes. Porte-parole malgré lui d'une génération bannie. (p. 42)

Alors qu'il est en train d'énumérer toutes les sortes d'eaux minérales disponibles, Marianne Spielgmann l'interrompt :
- Nous désirons rencontrer le directeur, s'il vous plaît. C'est urgent, un animal a disparu.
Coupé dans son élan, l'homme en blanc est un peu offusqué. Il a failli lui rétorquer que ça fait plus de quinze ans que les animaux ont disparu, mais il garde son sourire aimable et sa réplique pour lui. (p. 27)