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Critique de Deleatur


L'Histoire de la vie privée est l'un de ces projets globalisants que l'historiographie française multipliait avec une rare ambition durant les années 70 et 80, sous la houlette de l'immense Georges Duby : Histoire de la France rurale, puis de la France urbaine, et avant celle des femmes en Occident. Nourrie de son admiration pour Fernand Braudel, cette histoire laissait délibérément l'événementiel de côté pour se lancer dans l'exploration des courants de fond qui parcourent les sociétés, et mettre du sens sur les évolutions de long terme. de façon absolument pas accessoire, c'était aussi une histoire d'une grande exigence littéraire qui révéla des plumes remarquables, à commencer évidemment par celle de Duby. C'est dans la marmite de cette histoire-là que je suis tombé, jeune godelureau tout frais inscrit à la fac de Nanterre, et je crois bien que je ne suis jamais sorti de la marmite en question.
Ces livres, qu'il faut lire dans leur édition grand format pour profiter de leurs superbes illustrations, sont des objets éminemment dangereux : on sait quand on les ouvre, jamais quand on les referme. Au départ, en effet, je n'ai empoigné ce volume 4 que poussé par l'une de ces interrogations qu'un auteur peut se poser dans l'écriture d'un récit historique : ma scène se passe en 1905 sur une plage de l'ouest, un garçon de dix ans découvre la mer, s'avance au bord de l'eau, se déchausse et … et là, foutrebleu, la panne.
Bon. Sachant que ce garçon est le fils d'un ingénieur à la fois veuf et libre-penseur, et que subséquemment le gosse n'a pas fait sa première communion, qui était à l'époque considérée à bien des égards comme l'adieu au monde de l'enfance, peut-on dès lors imaginer qu'au moment de se mouiller les pieds il retrousse audacieusement un bas de pantalon, ou au contraire, la bienséance du temps demeurant ce qu'elle est, le gaillard reste-t-il nécessairement affublé de culottes courtes ? Telle est la question qui me taraude au moment où je me tourne vers ma bibliothèque, car oui, en effet, faut pas croire, un auteur se pose parfois des questions d'une profondeur insoupçonnée.
Et puis une page en appelant une autre, les chapitres ont bientôt défilé. Peut-être y avait-il de ma part une sorte de stratégie dilatoire. Peut-être ai-je cherché à retarder le moment de me coltiner avec la matière romanesque, laquelle m'inspire aujourd'hui comme un soupçon d'angoisse après plus de deux années sans pouvoir écrire. Mais quelle qu'en soit la raison, le fait certain est que j'ai été très heureux de cette plongée dans les six-cent pages de ce beau volume. Heureux comme un poisson dans l'eau de sa marmite.
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