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Critique de Zebra


Zebra
26 février 2015
« Histoire des femmes. Tome II. le moyen âge » est un ouvrage collectif de plus de 560 pages, paru chez Plon en janvier 1991. Rédigé par des Maitres de conférence, des Professeurs d'Université et des Chargés de recherche, tous éminents médiévistes intervenant sous la direction bienveillante mais attentive de Georges Duby et de Michelle Perrot, ce tome 2 de la collection «  Histoire des femmes en Occident », a l'ambition de montrer aux lecteurs, et par le menu détail, ce que fut à cette époque la vie des femmes, leur place, leur condition, leurs rôles, leurs pouvoirs, leurs formes d'action, leur silence et leur parole. Autant vous dire que l'objectif est atteint.

Pour ce qui concerne l'entreprise, il faut admettre la difficulté de parler des femmes sans se limiter aux héroïnes et aux femmes d'exception ; en faisant ce choix, les contributeurs utilisaient les sources qui font foi sans pour autant négliger la voix des humbles.
Pour ce qui concerne la période, il faut en reconnaitre la singularité : elle s'étend sur plusieurs siècles (de la fin de l'Empire romain à la Renaissance), l'essor économique est inégal selon les pays mais progressif et significatif, l'espérance de vie est limitée (30 ans au 12ème siècle), la femme mariée à 9 enfants en moyenne (mais la mortalité avant l'âge de quatre ans est colossale), les cités « se mettent en place » (les paysans représentent près de 90 % de la population active), le droit se constitue (droit canon pour les questions religieuses, droit romain au Sud et droit coutumier dans le reste du pays pour ce qui concerne les questions temporelles), il y a une division très nette et socialement imposée entre l'homme et la femme (la femme est illettrée et cantonnée à une stricte activité domestique), les excès sont condamnés quand l'entrée en religion, la maternité et le mariage sont glorifiés, la femme, soumise à Dieu et à son mari, doit renoncer à toute ambition familiale et sociale, l'Église omniprésente « classifie » les femmes en vierges, veuves et épouses (la fameuse triade), les mariages sont arrangés (avec un écart moyen de plus de 15 ans entre mari et femme), la monogamie reste le seul fait des pauvres, un couple sur trois est issu de deuxième voire de troisième noce (les hommes meurent à la guerre ou d'épidémie) et les écrits sont rares (il faut attendre le 15ème siècle pour assister à l'invention de l'imprimerie).
La société n'est pas restée immobile sur cette période : l'évolution du statut économique et culturel de la femme a été lente mais réelle. Toutefois, il faut rester prudent : les écrits auxquels se réfèrent les contributeurs de cet ouvrage collectif sont le fait d'hommes (la documentation est donc androcentrée), de surcroit d'hommes de religion (qui se refusent à la société des femmes -lesquelles sont impures et tentatrices- et qui s'imposent chasteté et célibat) et leurs écrits dépeignent les femmes comme autant d'exemples le plus souvent à condamner (le trait est misogyne, quelque peu forcé et sous-tendu par un imaginaire puissant et largement livresque). Si on ajoute à ce tableau le fait que les commentaires des rédacteurs de l'époque brouillent plus l'image qu'ils ne l'éclairent, il n'est pas simple pour le lecteur d'aujourd'hui de se faire une idée claire de la façon dont la femme pouvait vivre sa vie à cette époque.
Pendant une grande partie de cette époque la femme reste un objet et la tradition comme l'Église font le maximum pour verrouiller toute velléité de libération de la femme. Heureusement les temps nouveaux s'annoncent avec, pêlemêle, la reconnaissance du fait que le mariage ne doit pas être exclusivement tourné vers la procréation, des clercs qui écoutent voire dialoguent davantage avec leurs fidèles -y compris de femmes-, le début de représentations (peintures, sculptures) féminines, des femmes qui exercent des activités artisanales, la valorisation de la sexualité comme garante de l'équilibre, la constitution de groupes de femmes, et j'en passe et des meilleurs. Alors, c'en est fini de l'épouse chaste, parfaite maitresse de maison, respectueuse, fidèle, empressée, avisée, irréprochable, subordonnée à son époux, attentive à ses beaux-parents, muette, révérente et totalement obéissante à son mari ? Pas tout à fait, mais voici venir la conseillère et la guide spirituel de son mari, prenant soin de ses enfants, veillant au bon comportement de la maisonnée et disposant d'initiatives (religion, morale, port des vêtements, accès aux produits « de luxe ») ! Il y aura malheureusement un sérieux coup de volant dès la fin du 15ème siècle mais c'est une autre histoire ...

Au final, un ouvrage passionnant, bien construit, très touffu, abondamment documenté, et agrémenté de dessins et de reproductions en noir et blanc, ce qui en facilite sa lecture. Je me contenterai de renvoyer les passionné(e)s vers une lecture complémentaire, à savoir le « Dictionnaire raisonné de l'Occident médiéval » (1999). Je recommande et mets 4 étoiles.
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