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Critique de elitiatopia


Ce roman classique, sensible et passionné, dramatique dans sa construction enchâssée, a été pour moi un véritable coup de coeur.

Il s'agit du récit, presque la confession – mais en quoi y aurait-il péché ? – d'Armand Duval au narrateur, qui était présent à la mise en vente des meubles et affaires personnelles d'une certaine Marguerite Gautier, jeune femme d'une beauté étourdissante, courtisane de profession, récemment défunte. Il se trouve que le seul objet acquis à la vente par le narrateur a été un exemplaire de Manon Lescaut, dédicacé par Armand. On apprendra plus tard, et pour cause ! qu'il a été abondamment lu et relu, baptisé par les larmes de Marguerite. Quand il aura connaissance du lien qui existait entre Armand et Marguerite, le narrateur restituera l'ouvrage au jeune homme, anéanti par la mort de celle qu'il aimait.

Car, bien évidemment, avec une telle entrée en matière, on sait où l'on va tout droit : la mort de Marguerite à 23 ans, de la maladie du siècle, la tuberculose. C'est une issue terrible, et en termes d'amour condamné, en butte à tous les obstacles du destin, Armand et la jeune femme valent bien Tristan et Iseult – du reste, les lecteurs ou spectateurs de l'époque ne s'y sont pas trompés, puisque l'histoire de Marguerite Gautier, la Dame aux camélias, est devenue un mythe à travers le roman, le drame, et l'opéra La Traviatta de Verdi. Or, qui est Marguerite ?

Lorsqu'Armand la rencontre, elle est un peu hautaine et surtout moqueuse (rappelant en ce trait de caractère la Carmen de Mérimée) : il se sent humilié et ne la reverra pas de deux ans. Les rencontres ultérieures se dérouleront mieux, notamment lorsque Marguerite apprend qu'Armand est venu tous les jours prendre de ses nouvelles durant les premières attaques de la maladie, ce dont elle est touchée. Bientôt, elle adopte le jeune homme comme amant de coeur, bien que durant quelques temps elle est obligée de rester entretenue financièrement par deux de ses protecteurs, parce qu'elle croule sous les dettes avec son train de vie somptueux. Elle fait si bien qu'elle parvient à partir à la campagne avec Armand, en s'isolant deux mois tous deux dans une maison tous frais payés. Mais tous les problèmes ne sont pas résolus pour autant, loin s'en faut : une conjonction de circonstances inconnues d'Armand conduira Marguerite, qui pourtant l'aime de tout son coeur, à prendre une décision bien cruelle…

Il est fascinant de constater quelle puissante aura entoure le personnage de Marguerite, qui est bel et bien le centre irradiant du roman, même si c'est le point de vue d'Armand qui est adopté. Elle est d'une beauté presque surréelle, faisant tourner les têtes, au sens propre, lorsque même l'acteur sur la scène du théâtre où elle fait son entrée s'arrête un instant pour voir celle qui détourne toute l'attention des spectateurs. Elle est partie de rien, jeune paysanne normande inculte, pour devenir reine de la vie parisienne. Elle dépense cent mille livres par mois, des hommes se ruinent pour elle, elle mène une vie trépidante, toute de sorties, de fêtes, pour s'étourdir et oublier la mort qui plane. Malgré ce passif, qui rapidement ne les sépare plus tant Armand est épris d'elle, elle a conservé un coeur pur, une faculté d'aimer admirable.

Le ton est parfois un peu trop moraliste, comme si l'amour pour une prostituée ne pouvait passer que par la rédemption ; mais peut-on en vouloir à Alexandre Dumas fils, qui nous livre là une vision empathique de la vie de ces femmes, parfois vendues, toujours abusées, utilisées, pour être ensuite jetées sans ménagement ? C'est véritablement un roman unique, un joyau, sombre et palpitant, porté par une écriture toujours délicate, d'une poétique sensibilité, qui frappe juste – en plein coeur. On ne peut oublier Marguerite, la Dame aux camélias, et je regrette d'avoir attendu aussi longtemps pour lire cette merveille. Je vais lire aussi de ce pas Manon Lescaut d'ailleurs…
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