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Critique de Sofiert


Livre culte aux États-Unis depuis sa publication en 1989 et roman préféré de Tim Burton, Amour monstre de Katherine Dunn nous présente la famille Binewski, les propriétaires d'une fête foraine itinérante qui ont engendré volontairement des enfants monstrueux pour éviter de faire faillite.
Mais ne vous méprenez pas : aucun voyeurisme malsain ni mélo larmoyant dans ce roman mais une manière fantaisiste, satirique, exubérante et profondément romanesque d'interroger la normalité.

La narratrice est Oly, une naine chauve et albinos qui voue un culte malsain à son frère homme-poisson cruel et manipulateur. La famille se compose également de deux parents "normaux", de deux soeurs siamoises belles et musiciennes et d'un petit frère doté d'étonnants pouvoirs.
Mis à part ces particularités physiques, la famille Binewski est une famille américaine classique. Les parents sont emplis d'amour et les surnomment " nos jolis rêves", ils mangent des céréales au petit déjeuner et font tourner leur entreprise avec bienveillance envers le personnel.
Tout juste à la marge, lorsqu'ils envisagent d'abandonner dans une station service un bébé au physique un peu trop normal !
En inversant les codes, l'auteure interroge avec talent sur la monstruosité et la normalité, la beauté et la laideur, l'ordinaire et l'extraordinaire. D'ailleurs ces freaks ne sont des monstres que parce qu'ils sont exhibés comme tels . Et on est très loin de l'exploitation obscène d'un John Merrick ou de la cruauté voyeuriste des foires aux monstres.
Ils tirent profit de leur monstruosité parce que c'est leur mode de vie, mais n'en souffrent pas. Oly déclare ainsi :
" Chacun d'entre nous est unique. Nous sommes des chefs-d'oeuvre. Pourquoi voudriez-vous que je souhaite que nous devenions des produits fabriqués à la chaîne ? Vous la seule manière dont on peut vous distinguer les uns des autres, c'est grâce à vos vêtements. "

Bien plus que les infirmités, Katherine Dunn nous montre une famille en proie à des sentiments exacerbés, des rivalités entre fratrie, des jalousies et des haines qui débouchent sur des comportements monstrueux.
Combien de familles de" normos" comptent dans leurs rangs des incestueux, des parricides ou des fratricides ?
Si les comportements de la famille Binewski peuvent choquer, ce n'est pas tant parce qu'ils sont physiquement difformes, mais tout simplement parce qu'ils sont humains et que, confrontés à des traumatismes ou des circonstances exceptionnelles, un humain peut se transformer en monstre.

On retrouve ce questionnement de la normalité dans le récit de l'arturisme, cette secte fondée par Arturo, l'Aqua Boy.
Devenu predicateur charismatique et manipulateur professionnel, il enregistre des milliers de disciples qui souhaitent ardemment se faire mutiler. Tous se soumettent avec extase à des opérations chirurgicales, visant à se couper des membres les uns après les autres jusqu'à la perfection spirituelle de l'homme-tronc.
La monstruosité physique comme apothéose de l'individu et remède au mal-être ?

Dans ce roman flamboyant et burlesque, dans cette saga familiale hors- normes qui interroge, on retrouve la fantaisie et la lucidité d'un John Irving.
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