Il plonge à travers ses orages,
Le souffle à nouveau vivant.
Ouverte en peu de mots,
comme par un remous, dans quelque mur,
une embrasure, pas même une fenêtre
pour maintenir à bout de bras
cette contrée de nuit où le chemin se perd,
à bout de forces une parole nue.
(extrait de " La nuit grandissante " in " L'Embrasure ").
.
Le silence creuse son lit dans la parole jusqu’au cœur de celui qui ne l’attend plus, qui veille et travaille dans la souffrance de sa non-venue. Balle de nul fusil tirée, à nul horizon comparable, elle se loge dans le cœur bruyant, pour l’anéantir, et germer. Nous n’avons plus à dominer la mer, assourdissante, à transcrire le marmonnement du cyclope. Le silence qui reflue dans la parole donne à son agonie des armes et comme une fraîcheur désespérée. Le moindre mot se charge de violence, même celui que sa violence native écartait de nous. Distincte du mouvement des lèvres grises, la parole silencieusement irradie…Trajectoire du crépuscule, météore grandissant…
Migrations incessantes des mots jusqu'au dernier à travers l'écriture, tentative pour rendre un seul instant visible à leur crête celui qui disparaît déjà. Le sentiment de la perfectibilité de leur marche et de la fragilité de leur liaison tend à me persuader de mon pouvoir d’en finir. A me persuader qu’à la fin quelque chose d’édifié et de rompu affrontera la mort avec des yeux qui ne sont pas les miens. Et manifestera le caractère fortuit, accidentel, insignifiant de ma disparition.
Ecrire, est-ce un sommeil plus mobile qui s’entoure de comparses ? Ou le mouvement excessif d’une veille qui pulvérise ce qui la supporte, en nous jetant au centre immensément ouvert de sa pupille envenimée ? De cet œil effaré où se concentrent toutes les lueurs de la Loi non écrite, nous subissons l’emprise, et le décollement sismique au-dessus de la mer. Son éternité viscérale, son embaumement dans la lettre et le temps se recommencent dans l’assassinat silencieux que nous différons aussi longtemps que l’écriture nous parcourt et nous rend invisible.
Une femme en amour devant une fenêtre vide.
Des yeux bleu ardent, bleu lanière.
Un corps arqué sur le désespoir de son nom.
Dehors le grand tumulte harassé des étoiles
contre le ciel semble ne plus s’ouvrir,
ne plus suspendre l’issue de leur perfection
qu’à cette véhémence brouillée de larmes puériles,
qu’à ce gémissement,
qu’à ce silence.
dans le labyrinthe enfant
le sang des pêches de vigne
poisse mes doigts campagnards
et par le marché aveugle
le nom est ouvert – le corps
agrandi, blessé
autant de boue que de glace
dans l’échancrure des yeux
au bord de nos jeux d’enfants
la lumière, la perturbation des lignes
un dénouement de forces immatérielles
et le heurt de la terre filante en dessous
elle encore ni perverse ni maillée
une provocation étirant ses stances
aiguisant ses reflets pour s’anéantir
j’ai marché jusqu’au soir couleur sang
j’ai retrouvé sous le pied dans la garrigue
la terre magnifiée par le retour la terre
exiguë la terre odorante et déchirée
dont la nasse ruisselante était avide
de saisir une palpitation animale
et de précipiter ma disparition
«Serrage desserrage
Serrage desserrage
sur les voies restaurées
sans s'affranchir entièrement en tant que femme
du vague bestiaire qui l'assaille
parmi tant de pieuses incantations
poussées au matin
le soliloque de la boue
roule et grandit
pâle usurpatrice elle dort et me déteste
j'ai négligé sa pauvreté
elle se tient un peu plus haut
ombre illimitée d'une roue de chariot
fortement vivante sur le mur
Une forêt nous précède
et nous tient lieu de corps
et modifie les figures et dresse
la grille
d'un supplice spacieux
où l'on se regarde mourir
avec des forces inépuisables
mourir revenir
à la pensée de son reflux compact
comme s'écrit l'effraction, le soleil
toujours au coeur et à l'orée
de grands arbres transparents