Le scandale des eaux folles, tome 2 : Les sortilèges du lac

Nous devons lui offrir sa vraie place chez nous. C’est notre petite-fille, nous ne pouvons pas faire croire à une autre parenté. Je t’en prie, ce n’est qu’un mauvais moment à passer. Les langues iront bon train quelques jours et, ensuite, l’affaire sera oubliée.

— Vous n’êtes qu’une infirmière; on m’a fait comprendre que vous aviez tendance à l’oublier.
— Et vous, méfiez-vous, au cas où vous auriez tendance à oublier le serment que prêtent les docteurs dignes de ce nom, de soigner les malades avant de penser à encaisser leurs piasses, rétorqua-t-elle. Pour votre gouverne, apprenez que monsieur Philbert n’a pas un sou en poche. Je me suis occupée de lui en connaissance de cause. Je ne serai pas payée et ça m’est égal.

On vit une triste époque. Après les barrages sur la Grande et la Petite Décharge, après l’électricité partout, les femmes veulent travailler, et raccourcir leurs jupes et leurs cheveux.

Mon devoir d’infirmière est de vous sauver la vie. Je me moque de vos piasses… Une fois déclarée, la rage vous tuera. Mais, si vous recevez une injection de sérum demain, il n’y aura pas de conséquences fatales.

Avide de réconfort, Jacinthe pensa avec passion aux plus douces heures de son quotidien. Mariée depuis le mois de septembre à son grand amour, Pierre Desbiens, elle s’estimait comblée. Ils appréciaient tous deux les petits bonheurs simples de la vie, comme les soupers près du poêle en fonte dont le ronronnement les berçait, chanson familière d’un foyer paisible où l’on montait se coucher enlacés, pressés de jouir l’un de l’autre entre les draps de lin, sous les couvertures et la courtepointe que leur avait offertes Sidonie.