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Critique de Cartouches


Bienvenue dans le meilleur des mondes

Après 𝑬𝒏 𝑴𝒂𝒓𝒄𝒉𝒆 ou 𝑳𝒂 𝑷𝒆𝒕𝒊𝒕𝒆 𝒇𝒊𝒍𝒍𝒆 𝒆𝒕 𝒍𝒂 𝒄𝒊𝒈𝒂𝒓𝒆𝒕𝒕𝒆, Benoît Duteurtre renoue avec l'anticipation et la veine satirique dans cette sotie (farce, allégorie de la société du temps) qui s'appuie sur certaines injonctions 𝑤𝑜𝑘𝑒 à la mode et fait notamment suite aux affaires #𝑀𝑒𝑇𝑜𝑜.

Duteurtre met en scène une famille : le père, sexagénaire bon vivant, prénommé Mao en hommage au dirigeant chinois (mais qui déteste son prénom, lui le libéral) a appelé son fils Barack, étudiant gauchiste (car Mao est fan d'Obama), lui-même en couple avec Robert (jeune fille dont la mère refuse les stéréotypes de genre). Chacun porte malgré lui son prénom comme slogan publicitaire et marqueur politique de ses parents.

Chaque personnage est soumis à l'époque : Barack craint de coucher avec sa copine Robert car il a peur d'être accusé d'agression sexuelle et d'emprise sur mineure. Mao, viandard, doit tuer lui-même son animal avant de le manger : le gouvernement a imposé cette obligation pour limiter la consommation de viande au nom du bien être animal et de la protection de la planète.

Robert va faire la rencontre de Giuseppe, vieil italien insoucieux des conventions modernes, refusant d'entrer dans le monde numérique et d'appliquer les obligations en matière de tri des déchets. Ce personnage apporte une fraîcheur et une féérie, en dehors de cette société lourde de la suspicion permanente ; il ose utiliser encore des termes phallocrates et interdits (Mademoiselle, horreur) et vit en dehors du temps.

«𝐷𝑒́𝑛𝑜𝑛𝑐𝑒𝑟 𝑛'𝑒𝑠𝑡 𝑝𝑎𝑠 𝑠𝑒𝑢𝑙𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑢𝑛 𝑑𝑟𝑜𝑖𝑡, 𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑢𝑛 𝑑𝑒𝑣𝑜𝑖𝑟 𝑒𝑡 𝑢𝑛 𝑎𝑐𝑡𝑒 𝑑𝑒 𝑐𝑜𝑢𝑟𝑎𝑔𝑒»

Mao va être accusé, par le biais d'un livre anonyme, de harcèlement sexuel et de comportement déplacé, 15 ans après des faits dont il est innocent. Au nom de la loi 𝐷𝑒́𝑛𝑜𝑛𝑐𝑒𝑟 𝑒𝑡 𝑝𝑟𝑜𝑡𝑒́𝑔𝑒𝑟 dont le bras armé est la 𝐵𝑟𝑖𝑔𝑎𝑑𝑒 𝑟𝑒́𝑡𝑟𝑜𝑎𝑐𝑡𝑖𝑣𝑒 (police politique qui enquête en fouillant dans le passé numérique de chacun), il va devoir prouver sa non culpabilité : la charge de la preuve est ici renversée, « 𝑙'𝑎𝑐𝑐𝑢𝑠𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑙'𝑒𝑚𝑝𝑜𝑟𝑡𝑒 𝑠𝑢𝑟 𝑙𝑎 𝑑𝑒́𝑓𝑒𝑛𝑠𝑒 𝑒𝑛 𝑚𝑎𝑡𝑖𝑒̀𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑚oe𝑢𝑟𝑠. »

Duteurtre montre comment, sous prétexte de bienveillance et de protection, tout est suspicion et paranoïa : aucun comportement n'est naturel, tout est calculé car le moindre égarement peut vous mener devant la justice. L'auteur décrit un monde réglementé et angoissant mis en place au nom de la vertu.

Les situations grotesques que l'auteur décrit font à la fois rire et peur, tant elles paraissent exagérées mais pas si éloignées. Une nouvelle vanne narrative s'est ouverte depuis plusieurs années et certains auteurs poussent avec acuité les travers 𝑏𝑖𝑒𝑛𝑣𝑒𝑖𝑙𝑙𝑎𝑛𝑡𝑠-𝑡𝑜𝑡𝑎𝑙𝑖𝑡𝑎𝑖𝑟𝑒𝑠 de notre époque en en montrant la dangerosité (on pense bien évidemment aux dystopies loufoque d'Alexis Legayet ou noires de Thomas Clavel).

𝑫𝒆́𝒏𝒐𝒏𝒄𝒆𝒛-𝒗𝒐𝒖𝒔 𝒍𝒆𝒔 𝒖𝒏𝒔 𝒍𝒆𝒔 𝒂𝒖𝒕𝒓𝒆𝒔, satire d'anticipation décrivant un monde kafkaïen et orwellien, montre comment la vertu mène au cauchemar.
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