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Critique de MarionJL


J'ai eu du mal à lire ce recueil, malgré une langue très belle, des descriptions de paysages magnifiques, des thèmes qui me tiennent à coeur (la recherche de liberté, la condition féminine, l'attrait du désert et des grands espaces, l'amour comme passion et déchéance). le style très poétique m'a laissée malheureusement un peu froide malgré l'envie que j'avais de pénétrer cet univers. Les dernières nouvelles qui sont plus autobiographiques et s'apparentent plus à des notes de voyage m'ont beaucoup plus emballée et j'ai repéré un ouvrage à la bibliothèque de récits de voyage d'Isabelle Eberhardt qui me tente beaucoup.

Car si j'ai peu apprécié l'aspect littéraire du recueil, j'ai adoré découvrir ce personnage hors du commun qu'était Isabelle Eberhardt. La préface en particulier m'a plongé dans un état d'enthousiasme envers cette jeune femme éprise de liberté, anticonformiste, courageuse et entière. Habillée en homme et prenant comme nom Mahmoud Ben Abdallah Saadi, elle a parcouru l'Algérie au début du XXème siècle, s'éprenant de cette culture, de ce pays et sillonnant le désert en dénonçant les abus de la colonisation.

Les nouvelles du recueil peuvent être classées en plusieurs thèmes : la première partie concentre les nouvelles liées à la condition féminine, aux amours passionnées et funestes et aux abandons masculins ainsi que leurs conséquences sur les jeunes femmes. Yasmina est le prototype de ce genre de nouvelles. Même si le thème me touchait beaucoup et que j'étais amusée de voir que la prostitution était régulièrement présentée comme une émancipation, je suis restée assez spectatrice. le style ne m'a pas touchée et les nouvelles étaient souvent trop courtes pour qu'on s'attache aux personnages.

La seconde partie concentre les nouvelles qui critiquent le système colonial français en Algérie, l'absurdité de l'administration militaire et la cruauté de la gouvernance par le bureau lointain d'Alger dans son application dans de petites villes. J'ai préféré ces nouvelles-là.

On a ensuite quelques nouvelles qui décrivent la vie des militaires français ou algériens dans les garnisons et dans les parties sous gouvernance militaire. le rôle principal est alors toujours masculin et on découvre une forme de vacuité de la vie.

Puis viennent les nouvelles que j'ai trouvées plus personnelles qui font l'éloge de l'errance, de la simplicité et de la liberté des “vagabonds-nés”. Dans ces nouvelles, on trouve quelquefois un “je” qui m'a beaucoup plu. J'ai trouvé que sous cette forme, elle arrivait mieux à transmettre les émotions de mélancolie ou de passion et sa vision de la vie où le bonheur réside dans le renoncement, la simplicité et la liberté. Elle rejoint en ça la vision du soufisme, auquel elle s'était convertie où on voit la plus grande expression de la sagesse dans la folie et l'errance (derviches, mahboul, conteurs, musiciens, poètes ou vagabonds).

« La rivale » sur le thème de l'errance . Très courte nouvelle très sensuelle dans l'écriture.

« Yasmina », nouvelle beaucoup plus aboutie qui décrit l'amour impossible entre une autochtone et un officier français ainsi que sa répercussion déséquilibrée sur les deux protagonistes. On sent un besoin d'absolu.

« Pleurs d'amandiers », nouvelle très courte, écriture comme une peinture avec beaucoup de couleurs et de changements de couleurs suite à la course du soleil. Écriture poétique (incarnadin) mais pas forcément fluide. Il faut s'attacher aux mots et aux consonances.

“Fiancée” et “Le portrait de l'Ouled-Naïl” Ces deux nouvelles racontent l'amour passion entre un noble et une femme du peuple qui amène celle ci à se prostituer et où la déchéance l'attend une fois que l'homme part, l'oublie ou meurt. Les femmes de cette tribu avait la tradition / liberté de se prostituer pour se constituer un pécule avant d'épouser un homme..

« Tessaadith » nouvelle centrée sur la liberté de la femme, son enfermement et la liberté qu'elle est prête à acquérir à un prix élevé : liberté de s'amuser et d'aimer.

« le magicien ». Cette nouvelle m'a gênée dans la relation entre Rakhil et le magicien (un viol) car après s'être débattue et avoir été violée, la femme demande à rester auprès du magicien et Isabelle parle de nuit charmante…

« Oum-Zahar » et « la main »: les deux nouvelles parlent de femmes magiciennes entraînant la mort.

« Criminel » et « ilotes du sud » parlent des brimades de l'administration coloniale. Dans criminel, c'est la spoliation des terres d'une tribu. On comprend aussi peu qu'eux ce qui se passe (un fermier reçoit deux sous…) et dans ilotes du sud des raisons pour lesquelles des hommes sont envoyés en prison dans les lieux sous contrôle militaire (l'un n'a pas salué un officier, un autre n'a pas prêté sa chamelle à la maîtresse de l'officier car elle est blessée, un dernier a voulu recevoir le prix de sa vente au marché avant de repartir). L'absurdité de la situation est bien rendue avec surtout le peu d'intérêt qu'elle suscite.

“Le major”
La nouvelle qui semble la plus autobiographique et qui décrit très bien l'absurdité de l'administration militaire telle qu'elle a été vécue par Isabelle Eberhardt. Elle lui reproche surtout l'abdication de toute liberté intellectuelle, le maintien des indigènes dans un système de subornation totale et l'absurdité du joug du système colonial aussi sur les colons.

« L'ami »
Très belle nouvelle sur l'amitié au-delà des différences et la simplicité des coeurs. Comme toutes les nouvelles d'Isabelle, la tristesse domine. Pas d'échappatoire. Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle (malgré la lumière). Mélancolie

« Douar du Makhzen », « campement » nouvelles qui décrit un peu le quotidien des militaires indigènes (spahi, mokhazni , goumiers, tirailleurs ). Un petit lexique manque. le seul intérêt de ces nouvelles est de voir que l'armée coloniale était toujours en lutte contre des tribus dissidentes ou des groupes armés (djich) au début du XXeme siècle

« le djich » parle du cheikh Bou Amama, rebelle aux français.

« le meddah ». le meddah est un rhapsode arabe. J'ai bien apprécié cette nouvelle qui parle de la liberté de l'errance des gens « vagabonds-nés »

« Derrouïcha », hommage de l'errance aussi. Seule nouvelle où on trouve un « je » et c'est dommage que ces nouvelles n'aie pas été plus des notes de voyage

« M'tourni » raconte l'assimilation des colons européens par la terre algérienne. Nouvelle très douce. Une des seules qui ne finissent pas mal même si on y trouve aussi beaucoup de mélancolie.

“Dans le sentier de Dieu” est un éloge de l'errance et de la simplicité

« Dans la dune » et « la Zaouïa » sont deux nouvelles autobiographiques où Isabelle Eberhardt se met en scène dans sa vie dans le sud pour la première et lors de sa découverte d'Alger dans la seconde. On note une liberté de ton, de mouvements, de pensées très intéressantes qui me conforte dans l'idée que je préférerais lire ses récits de voyage et ses anecdotes personnelles que ses nouvelles plus littéraires. On sent la même inclinaison pour les grands espaces, la liberté, la mélancolie et la passion qu'elle soit intellectuelle ou amoureuse.
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