Eberhardt avait délaissé ce roman inachevé et en a fait une version plus courte dans la nouvelle le Magicien.
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Ce serait en effet une erreur fatale que de vouloir dans une école professionnelle, réunir des jeunes filles d’honnêtes familles laborieuses et les infortunées petites créatures qui errent dans nos rues.
Ces dernières ont droit à être recueillies et sauvées de l’abîme vers lequel les pousse la misère, mais elles doivent être mises à l’écart, afin, d’abord, de préserver les autres jeunes filles de leur voisinage très dangereux et ensuite, d’inspirer une salutaire confiance aux parents des élèves des écoles professionnelles, qui ne doivent point être des asiles.
Il est également de première nécessité de se conformer aux mœurs spéciales de chaque localité dans le choix des travaux d’aiguille à apprendre aux élèves.
En effet, il faut distinguer deux catégories fondamentales d’indigènes et partant, de femmes : les citadins et les bédouins ou habitants de la campagne et des petites villes de l’intérieur.
Ni par leurs mœurs et coutumes, ni par leurs besoins, ni par les conditions de leur existence, ces deux catégories n’ont rien de commun.
Il faut donc surtout éviter de les confondre et d’enseigner aux uns ce qui ne convient qu’aux autres.
J’errais de tombe en tombe, songeant aux choses bibliques, aux singulières paroles de promesse et de menace venues de là-bas, de la Judée et de Galil, issues du plus étrange peuple de la terre. Et mes pensées s’envolaient aussi vers cette Europe que les hommes sont en train de transformer en une vaste usine, avant d’en faire une terre de désespoir ou bien encore une odieuse caserne à fonctionnement mécanique, machine sinistre
à écraser les caractères et à niveler les individus…
… Car là-bas, sous le ciel d’Afrique, il suffit des plaies d’un
hiver et des soleils rayonnants d’un été pour couvrir les choses de cette patine de vétusté qui, plus tard, leur donne un aspect spécial d’immobilité à travers les âges.
… Il m’a aussi toujours semblé que les arbres et les fleurs poussés sur des tombeaux ne ressemblent point à ceux d’ailleurs, qu’ils ont une beauté à eux, très différente, un charme de mélancolie et d’indicible paix.
— Ma fille, dit la vieille gitane. Ma fille, réjouis-toi au contraire de mourir jeune. Ah si tu savais seulement combien la vieillesse est amère !
Rencontre avec Leïla Sebbar & Manon Paillot animée par Patrice Rötig
Lecture par Frédéric Mitterrand
Après Je ne parle pas la langue de mon père et L'arabe comme un chant secret, Lettre à mon père est le dernier volet, le plus tendre et le plus violent, de la trilogie autobiographique de Leïla Sebbar. Pour la première fois, elle ose, outre-mort, une adresse directe à son père Mohamed dont le silence l'a tenue loin de son roman familial, qu'elle écrit dans la langue de sa mère, le français. Sans fin elle l'interroge, et il ne parle guère.
Au cours de cette soirée nous évoquerons également un recueil de récits et nouvelles où Leïla Sebbar nomadise avec Isabelle, son héroïne, sa muse, Isabelle Eberhardt ; un ouvrage préfacé et édité par Manon Paillot.
Enfin, par la voix de Frédéric Mitterrand, nous entendrons différents extraits.
À lire – aux éd. Bleu autour : Leïla Sebbar, Lettre à mon père – Leïla Sebbar & Isabelle Eberhardt (nouvelles), préface de Manon Paillot, 2021.
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