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Critique de Patsales


Echenoz a creusé 3 fois la veine biographique pour s'affronter au génie: scientifique (Tesla), sportif (Zatopek), artistique (Ravel). Mais bien sûr Échenoz ne fait rien comme tout le monde.
Un bon biographe commence par la naissance. le livre s'ouvre sur un bain « amniotique » dont Ravel sort en titubant. Voilà, il est né et assez grand pour marcher: ça, c'est fait. le compositeur, à peine né comme personnage, est déjà une star dont la tournée en Amérique prouve l'engouement qu'il suscite. Au rebours de la biographie attendue, Échenoz ne nous dit presque rien du processus créatif : on en saura plus sur l'art déployé par Ravel pour choisir sa toilette du jour que sur la composition du Boléro.
Bon, mais alors, c'est quoi le génie?
Sans doute Échenoz a-t-il choisi Ravel parce que rien ne vient distraire le lecteur de cette question. Ravel n'a pas de vie privée, ni amant, ni maîtresse; sans être riche il n'est pas impécunieux; exit l'artiste maudit et romantique dont les tourments feraient jaillir l'inspiration. D'ailleurs, quelle inspiration ? Ravel ne dort même pas assez pour pouvoir rêver.
L'oeuvre naît de l'impalpable et du hasard. On presse Ravel de répéter? Bon, se dit-il, répétons. Et de ligne musicale répétée en ligne musicale répétée, voici le Boléro. Et surtout elle s'affranchît de son auteur. Qui ne l'aime pas tant que ça. Qui finit par l'apprécier sans être tout à fait sûr de l'avoir écrite. Et plus l'oeuvre de Ravel gagne en notoriété et en reconnaissance, plus l'auteur disparaît. Il cesse d'exister avant même de mourir, et on a si peu de photos de lui, pas d'enregistrement, même sa signature finit par ne plus pouvoir être formée. Reste l'oeuvre qu'aucune biographie ne saurait expliquer, prépondérante et admirable.
Et puisque le Boléro n'est que répétition, Échenoz répète l'oeuvre en mimant son accélération. Des pages pour ne décrire qu'une seule journée, puis autant de pages pour raconter plusieurs mois, et de moins en moins de pages pour un temps de plus en plus étendu. Au-delà du jeu et du clin d'oeil, c'est donc le livre intitulé « Ravel » qui se déploie comme le Boléro, l'auteur s'est confondu avec son oeuvre, et même Échenoz disparaît, happé par son sujet, lui aussi inclassable, et si Échenoz est Ravel, l'oeuvre une fois de plus éclipse son auteur.
Voilà. Un génie est un type dont on ne sait rien, sinon par la magnificence de ce qu'il a produit.
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