AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Apoapo


Suite - ou mise au point des aspects les plus importants - de de la littérature.
Dans le premier chapitre, l'auteur revient sur sa propre expérience d'écriture romanesque (par rapport à l'écriture scientifique), et à la genèse de ses romans. Comparé au dernier chapitre de l'essai cité, j'ai eu l'impression que c'était plus synthétique, ou en tout cas que je n'ai rien appris de nouveau.
Le second chapitre - "Auteur, texte et interprètes" est très important dans la pensée de l'auteur, car on sait que certains ont vu - à tort - un revirement entre L'Oeuvre ouverte (1965) et Lector in fabula (1985) d'un côté, et Les Limites de l'interprétation (1992) de l'autre côté. Dans ce long chapitre, Eco explique plus longuement et clairement qu'il ne l'a jamais fait sa position fondée sur la tripartition entre l'intention de l'auteur, celle du lecteur et celle du texte ; il précise et développe l'idée de la "sémiose illimitée" de Ch. Sanders Peirce, qui diffère selon le système linguistique (auto-référentiel et illimité) et les interprétations du texte qui, elles, nécessitent un critère de falsifiabilité selon l'intention du texte ; il y développe aussi les concepts de Lecteur Empirique/Lecteur Modèle et Auteur Empirique (qui a le moindre rôle interprétatif).
Dans le troisième chapitre, le plus intéressant, il est question du statut ontologique des personnages de fiction. L'essai constitue une tentative de répondre à la question : "qu'est-ce qui nous émeut dans le sort d'Anna Karénine, bien que nous sachions qu'elle n'a pas existé en chair et en os ?" Alors que les deux plans, ontologique et sémiotique, semblent ne pas se croiser, en partant d'Avicenne qui "avait déjà posé que l'existence n'est qu'une propriété accidentelle d'une essence ou d'une substance ("accidens adveniens quidditati")" (p. 88), en poursuivant sur la plus grande facilité euristique de la phrase "Superman est Clark Kent" ou "Anna Karénine s'est suicidée en se jetant devant un train" que "Adolf Hitler s'est donné la mort dans un bunker berlinois", l'on parvient à accorder une fonction épistémologique fondamentale aux affirmations fictionnelles. Il est enfin question du triangle du référent de Peter Strawson, appliqué à Obama, à Napoléon, à Anna Karénine et pourquoi pas à Oedipe ou à Jésus-Christ... La chute, véritable perle de sagesse, qui est mieux amenée ici que dans l'essai précédent, porte paradoxalement sur le rôle des grands personnages de fiction comme "suprêmes exemples de la condition humaine 'réelle'" (p. 138).
Le quatrième et dernier chapitre parle des listes en littérature. Si un essai entier d'Eco y est consacré, je n'avais rien lu sur ce sujet, et je dois avouer qu'il m'a laissé plutôt tiède, sans doute parce que, contrairement à l'auteur, je ne raffole pas de la "rhétorique de l'énumération", tout en lui reconnaissant ses lettres de noblesse - surtout après lecture de ces fragments illustres, qui remontent aussi loin qu'Homère, dans son catalogue des mille cent quatre-vingt-six vaisseaux du chant II de l'Iliade. J'ai appris cependant qu'il y a une parenté entre ce sentiment d'ineffable procuré par les listes et la genèse historique des musées, par le truchement des Wunderkammern au XVIIe et XVIIIe siècle : excusez si c'est peu...
Commenter  J’apprécie          10



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}