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Critique de OlivierBkz


Avertissement : je parlerai beaucoup ici de la Conjuration des Imbéciles, de John Kennedy Toole, car je sais que ce roman jouit d'une grande notoriété - si vous l'avez aimé alors vous devez impérativement lire le Seigneur des Porcheries, qui mérite autant d'éloges, voilà ce que je voulais dire.

Bonjour, allons droit au but : ce roman est une oeuvre à lui seul. Il est génial, mystique, c'est un chef d'oeuvre, un monument de la littérature américaine ou contemporaine, ou encore, un monument de la littérature tout court.

Attention, nous parlons de littérature américaine haut de gamme - et non de quelques ivrognes égocentriques amoureux de Céline (oui je fais référence à la beat génération), et nous parlons encore moins des auteurs américains actuels, qui semblent tous sortis du même "stage professionnel & payant pour devenir écrivain".
Non, le Seigneur des porcheries fait partie de la glorieuse filiation de Steinbeck plutôt qu'à la molle et avinée progéniture de Bukowski ! Steinbeck pour le style, et pour le milieu social exposé, mais un Steinbeck en colère, qui l'aurait vraiment mauvaise et que rien, hormis un chaos massif, ne saurait calmer !
Jamais roman ne s'attaqua si ouvertement à ce que l'auteur considère comme l'esprit américain, et que l'on pourrait résumer en ce mot : l'hypocrisie. Bigoterie criminelle, racisme systématique, alcoolisme de masse, volonté de maltraitance d'hommes que la communauté désigne comme socialement inférieur à la plèbe, voici les thèmes abordés. Un spectacle qui pourrait se constater partout où vivent des hommes, dans n'importe quelle communauté sur la planète, dans chaque ville ou province administrée par des élus complices et incompétents et où s'étale une population d'exploités en perte de valeurs morales ayant besoin de souffres-douleur juste pour tenir le coup.

Le genre humain n'en sort pas grandi, certes, et les mauvaises langues pourraient voir dans ce roman l'expression d'un discours misanthrope - mais que c'est drôle, malgré tout ce drame ! Seuls deux livres m'ont fait rire aux éclats : celui-ci, et La conjuration des imbéciles, de John Kennedy Toole. Lire et exploser de rire dans un métro aux heures de pointe est une expérience rare qui mérite d'être tentée. Car voici l'un des nombreux talents de l'auteur, transformer le plus sombre de l'humanité en matière à comédie. Il existe plusieurs parallèles entre ce roman et La conjuration des Imbéciles. le rire bien sûr, j'en ai parlé, puis l'action qui semble dans les deux cas se dérouler autour des années 60 - alors que contrairement à Toole, Tristan Egolf est un auteur de notre époque né dans les 70. Un parallèle serait aussi à faire quant aux difficultés qui virent leurs deux romans respectifs à être édités - on peut voir là une preuve de l'incompétence des maisons d'éditions américaine équivalente à celle de leurs consoeurs françaises, ou au contraire, on peut considérer que les maisons d'édition américaines furent extrêmement lucides sur la charge violente du livre contre le peuple américain. Un autre point commun, le destin malheureux des deux auteurs. Et aussi cette chose magnifique, alors que Tristan Egolf n'était pas encore venu au monde, John Kennedy Toole résuma en une phrase son livre le Seigneur des Porcheries :
« Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on peut le reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui. »

Car il s'agit là de l'histoire du Seigneur des Porcheries. Celle d'un enfant surdoué, qui sous prétexte de sa différence , se verra maltraité par la communauté. Résultat, l'enfant une fois grandi utilisera ses (grandes) capacités intellectuelles pour se venger.
L'enfant est présenté comme "si surdoué" que j'ai considéré le début de ce livre comme un conte moderne, plus que comme une histoire réaliste - alors que la dernière partie apocalyptique m'a paru au contraire extrêmement réaliste …
Mais il y existe une différence fondamentale entre la Conjuration des Imbéciles et le Seigneur des Porcheries. Dans le premier roman cité, J.K.Toole nous offre le luxe de considérer que le tableau peu glorieux qu'il fait de ses contemporains est peut être la perception d'un type devenu fou. J.F.Toole devait être un garçon gentil. Dans le Seigneur des Porcheries, Tristan Egolf n'offre pas cette politesse au lecteur, parce que ses quelques héros sont si courageux, si entiers et intelligents qu'on ne peut que rire de dégoût avec eux lorsqu'ils nous présentent les habitants de Baker, la lie de l'humanité, les "trolls", comme ils les appellent.

Après avoir fini ce roman, et comme pour J.K.Toole, j'ai regretté la fin prématuré de Tristan Egolf. Quels autres livres aurait-il pu écrire ? Qu'aurait-il pu nous apprendre ? Et il est bien dommage que l'édition de ce grand auteur ait plus tenue de la dysfonction qu'au travail sérieux d'un éditeur - Tristan Egolf a eu la chance de croiser une bourgeoise à Paris qui avait ses entrées chez Gallimard.
Mais pour ne pas finir sur ces considérations tristes et terminer sur du rire, j'ouvre une page au hasard du Seigneur des Porcheries, page "305", et je recherche quelque chose de marrant à vou écrire au hasard :

" A cinquante-six ans, Kunstler était la quintessence de la racaille blanche à haute énergie, avec l'un des caractères les plus rances qui se puisse trouver sur aucun continent. "

Bonne lecture !


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