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Critique de JeffreyLeePierre


Oh la Vache (*) !
Ça démarre très très fort, avec trois chapitres d'introduction jubilatoires, et ça continue pareil.

L'Immeuble Yacoubian m'avait émerveillé ; Chicago m'avait ennuyé et j'avais lâché l'affaire. Mais là, ça cogne dès le début et ça y va ensuite joyeusement de plus belle. C'est drôle ET consternant.

On est rapidement pris à la gorge par ces destinées individuelles qui se croisent sur la place Tahrir et autour de la révolution égyptienne de 2011. La première moitié se déroule durant la montée en puissance du mouvement, jusqu'à chute de Moubarak.
Il y a alors, pile au milieu du livre, un chapitre charnière où se met en marche la riposte des institutions qui sont alors au bord du gouffre.
Et puis, après une courte euphorie liée au sentiment de victoire, la seconde moitié est celle de la mise en oeuvre de la contre-attaque, la répression et le début du retour à la « normale ».

Le roman s'arrête avant la victoire des Frères Musulmans aux législatives de 2012, qui sera suivie par le coup d'état de 2013 et le retour complet à la situation pré-révolutionnaire, celle d'un pays aux mains du complexe militaro-industriel mafieux qui verrouille une société très conservatrice aux marge de laquelle les islamistes restent en embuscade. Je me demande si l'auteur écrira sur cette période, cela pourrait être aussi passionnant.

Le diagnostic de l'auteur sur l'état de la société égyptienne n'a pas fondamentalement changé depuis son Immeuble Yacoubian. Là, il le confronte aux évènements exceptionnels qu'a traversé l'Egypte dans la première moitié de la décennie 2010. Sa plume redevenue formidable nous fait ressentir l'espoir qui est né, qu'il a probablement partagé, et comment il a été étouffé.
C'est finalement très dur, voire désespérant, même si une partie des protagonistes conserveront malgré tout leur foi dans la lutte pour un avenir meilleur. Pour les autres, les tenants de la dictature comme la partie dégoutée des révolutionnaires, il y a une fatalité égyptienne, un peuple dont la mentalité multi-millénaire d'esclaves rend tout changement impossible. C'est d'ailleurs une thèse que j'ai entendue dans la bouche d'amis égyptiens, de la tendance « intellectuels opposants mais résignés ».

Côté écriture, les ficelles sont parfois un peu grosses, mais ça passe.
La première phrase semble une allusion au début de la recherche, comme un clin d'oeil. Les « destins croisés » de ses personnages se traduisent par une succession de courts chapitres, souvent terminés par un cliffhanger. Il y a un moment où ça commence à faire un peu artificiel et puis ça se tasse. Des liens se créent entre des personnages initialement lointains, mais comme ils ne sont pas surexploités comme ressorts de l'intrigue, cela ne devient pas lourdingue. Au final, ces quelques artifices ne nuisent pas aux histoires et personnages tellement ils sont prenants.



(*) En référence à la sourate de la Vache dont la lecture, paraît-il, écarte durant trois jours le démon de la maison où elle a été lue. Puisse sa mention écarter le démon de cette critique !
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