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Critique de SebastienFritsch


Roman d'investigation criminelle, basé sur un fait divers réel : l'assassinat atroce, en janvier 1947, d'Elisabeth Short, une beauté de 22 ans, aspirante actrice aux moeurs faciles.
Roman historique, ressuscitant le Los Angeles d'après-guerre, avec ses héros, ses starlettes, ses prostituées, ses voyous, ses drogués, ses parvenus dans leurs demeures démesurées, ses bars à soldats, ses ghettos, son racisme omniprésent, sa corruption, son insécurité, son expansion immobilière débridée.
Roman noir où les boxeurs deviennent flics, les flics fricotent avec les voyous, les voyous négocient avec les politiciens et tout le monde a finalement toujours un petit quelque chose à se reprocher.
Roman psychologique, enfin, explorant un copieux catalogue de perversions, tout en laissant une bonne place à la culpabilité, à la peur, à la jalousie, à la manipulation, mais également (et heureusement), à la loyauté (sélective, quand même), à l'amitié et à l'amour. Comme s'il fallait maintenir quelques points de lumière dans cette atmosphère démesurément noire.



Voilà donc énumérés quelques uns des romans que l'on peut avoir l'impression de lire en parcourant le Dahlia Noir. Mais tout cela est secondaire. Car ce livre est, plus que toute autre chose, le roman de l'obsession. Et l'obsession poussée à un tel paroxysme qu'elle semble confiner à la possession.
Obsédée par sa future carrière de star, la pauvre Betty Short, prête à coucher avec n'importe qui, si cela lui permet de glisser un pied dans la porte du temple de la gloire, même si ce n'est que la porte de service. Obsédé par des fantasmes inimaginables (ou possédé par des démons inégalables), son tueur, qui la torture, la mutile, la coupe en deux avant de l'éviscérer, puis de la déposer, exsangue et nettoyée avec un soin maniaque, dans un terrain vague de L.A. Obsédés par Betty Short (possédés par son souvenir), le sergent Lee Blanchard et l'agent Bucky Bleichert, qui vont tout donner, tout risquer, pendant des mois, pour résoudre l'énigme de ce meurtre. Et tenter, par la même occasion de se libérer d'autres images du passé, d'autres visages, d'autres noms, qui les obsèdent tout autant. Sans parler de tous les obsédés qui foisonnent au fil des pages (obsédés du pouvoir, obsédés du sexe, obsédés du fric...) et qui accompagnent le trio central du roman (Bucky, Lee et Betty), de rebondissements en fausses pistes, de mensonges en révélations, de serments silencieux en trahisons violentes. Mais dans ce roman de l'obsession, il en est une qui sert de clef de voute à toutes les autres : l'obsession de James Ellroy pour la vraie Elisabeth Short.
Il n'avait que dix ans quand il découvrit cette histoire abominable, dans un bouquin offert par son père. Il n'avait aussi que dix ans quand sa propre mère fut assassinée. Possédé, pendant des décennies, par le souvenir de ces deux victimes (dont les assassins ne furent jamais identifiés), il leur devait ce roman. Un roman qui n'est pas exempt de défauts (des hasards tirés par les cheveux qui relancent régulièrement l'intrigue ; des passages un peu abscons ; certains comportements dont les motivations restent peu compréhensibles). Mais c'est un livre qui porte aussi en lui de très grandes qualités : une langue riche, vivante, qui louvoie habilement, pour s'adapter aux personnages, selon les scènes, et aussi un rendu exceptionnel des ambiances, des décors, des modes de vie (autant ceux des voyous que ceux des flics, ceux des habitants des ghettos que des gens de la bonne société friquée).

Pour toute ces raisons, le Dahlia Noir est un grand roman, fascinant tant qu'on est plongé dedans, et qui devient, une fois qu'on la refermé, irrémédiablement... obsédant.
Lien : http://sebastienfritsch.cana..
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