Flint était assis dans le hamac de sa chambre et regardait la lumière du soir par une fenêtre ronde. Petite extension biscornue sur le côté de la cabane perchée où il habitait avec Tomkin et Blu, la chambre de Flint ressemblait davantage à un laboratoire. Les murs circulaires étaient tapissés de placards qui contenaient des centaines de bouteilles, flacons, ampoules et tubes à essai remplis de liquides bouillonnants. Il s’agissait d’inventions encore inabouties. Flint laissait toujours les portes des placards ouvertes quand il était dans la pièce : il préférait garder un œil sur ses expériences, au cas où quelque chose tournerait mal.
Il joua distraitement avec les fils argentés de son hamac. Il l’avait fabriqué à partir de rayons de lune et de toiles d’une espèce très rare (voire quasi éteinte) d’araignée des glaces. Au bout de plusieurs semaines d’expériences et de consultation de l’écorce où étaient gravées des formules sur la magie d’Erkenwald, Flint avait découvert que ce tissage assurait des rêves excellents.
Son regard glissa sur certaines de ses autres créations, alignées sur les plus hautes étagères. Un ballon en cuir de caribou rempli de vent, qui filait si vite quand on tapait dedans qu’il était presque impossible qu’un adversaire l’arrête. Une horloge météorologique, qui indiquait le temps qu’il faisait au lieu de l’heure en crachant des flocons de neige, des rayons de soleil ou de la brume, selon le cas. Un coffre où il avait enfermé un orage (qui lâchait de temps en temps un rot sonore) avec une pincée de poussière de lune, et qui, ouvert à minuit précisément, produisait pendant un mois des pièces d’argent. Il y avait aussi des lanternes alimentées par le soleil, des rouleaux de cordage en nuages tressés…
Je crois que la douceur est un signe de puissance, au contraire, parce qu'il faut avoir de la force intérieure pour être doux.
Au début, les bonnes idées n'ont pas toutes forcément l'air réalisables.
Je ne crois pas qu'on puisse arrêter le mal en le fuyant, répliqua Flint. On l'arrête en se dressant face à lui...
Les rumeurs sur la reine lui revinrent en mémoire.
Elle porte une robe faite avec les larmes gelées de ses prisonniers. Elle fait obéir les animaux qui l'entourent d'un simple geste de son sceptre. Elle peut changer les enfants en glace...
Savoir quelle est la tribu de quelqu'un n'est pas important. L'important, c'est de faire confiance aux gens, quelle que soit leur tribu.
A mon avis, il n'est pas nécessaire de se battre avec des armes pour être un guerrier. On peut se battre avec de la tendresse, et des larmes, et des inventions. Je pense que tout ça a de la valeur.
Je n'ai peut-être pas de tribu, je n'ai peut-être pas les mots qu'il faut, mais je ne renoncerai pas. Je ne reculerai pas. J'ai une voix, et je ferai en sorte qu'elle serve à quelque chose.
Je suis terrifiée, avoua Eska. Mais parfois, la seule chose qu'on puisse faire, c'est espérer.
Eska se rendit compte que l'espoir était une chose changeante. Il pouvait brûler dans l'âme de quelqu'un et ensuite l'abandonner ; mais quand on croyait l'avoir perdu, on le retrouvait qui éclairait les cœurs de ses amis.