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Critique de Alexein


Encore un sommet d'érudition publié abusivement et malhonnêtement dans la catégorie des Romans. C'est une THÈSE racontée sous formes de mémoires. Paradoxalement, ce récit d'un insomniaque est puissamment soporifique. Ce qui est ici raconté n'est certes pas sans intérêt. Simplement, c'est comme une valise trop pleine sur laquelle il faut s'asseoir pour parvenir à la fermer : c'est plein à craquer.
En quelques mots, la thèse démontre très efficacement et solidement l'Histoire des relations entre un Orient et un Occident qui s'attirent et se repoussent tout à la fois, où chacun existe par rapport à l'autre dans des apports féconds allant dans les deux sens et se construit par l'image que lui renvoie l'autre. C'est donc un livre éminemment académique au sujet grand, noble et vaste. Mais ce n'est pas un roman ! Par moments, on oscille même entre la thèse et le journalisme.
Je me suis fait violence pour aller au bout de ce calvaire de lecture. Les phrases se délaient détestablement. L'auteur a quelque difficulté avec la ponctuation : trop de virgules ; pas assez de points ; pas de point d'interrogation à la fin des questions. Il use de digressions allant à l'emporte-pièce. Quant au caractère hypnotique de ce « roman », il est dû à la grande longueur des phrases : on se perd dans un dédale de détails tout engraissés dans une syntaxe pâteuse. Il y a cependant quelques images poétiques beaucoup trop rares disséminées entre celles de mauvais goût : la première page, celle de la description de la façon de fumer l'opium et la scène d'amour (enfin) assouvi, entre autres, sont réellement poétiques ; la description de la société iranienne est très intéressante. Mais dans l'ensemble, l'effet hypnotique est obtenu plus par saturation que par la qualité des images.
Les jugements de valeur musicaux me soûlent et ne m'enivrent pas. Les activités du voisinage me rasent. Une masse de détails parfois polluants m'incite plus d'une fois à laisser tomber ce livre gangrené par les digressions. C'est une logorrhée écrite vomissant des anecdotes ad nauseam. C'est une mélasse encombrée de tableaux surchargés et fugaces, un tas d'anecdotes assenées à la mitrailleuse. On apprend certes des choses mais la lourdeur et le foisonnement font que ça glisse devant les yeux et qu'on a hâte d'abréger cet état d'engourdissement qui confine à l'anesthésie. Bien que je n'en aie jamais fumé, j'ai l'impression de ressentir l'épaisseur de la fumée lourde de l'opium encombrer mon cerveau.
La littérature est actuellement si pauvre qu'on porte aux nues des livres denses et pleins de matière mais dénués de mesure. On ne raconte plus d'histoires ; il n'y a plus d'intrigue ni d'actions. Il n'y a plus que des observateurs sentencieux et désenchantés qui n'expriment qu'une mélancolie vaporeuse, le tout avec une maladresse crasse. Il n'y a plus aucune subtilité, plus aucune finesse. Et comme le laid met en valeur le beau par effet de contraste, le foisonnement est ici mis en valeur par l'indigence de ses voisins sur les étagères des librairies.
On écrit les phrases exactement comme elles viennent à l'esprit ; on ne se relit pas ; on déverse sa logorrhée et on décrète que le travail est fini. On croit par trop au mythe de la noblesse du premier jet exprimant sa sacro-sainte spontanéité. Ce n'est pas ça qui fait une oeuvre. N'en déplaise à M. Pierre Assouline pour qui ce bouquin, qui ne passera sûrement pas à la postérité, est un « Grand livre ». Enard aurait mieux fait d'élaborer une « Anthologie de l'Orient vu par l'Occident » ou un « Tristes tropiques » en version orientale. Dans ce cas, c'aurait peut-être été un grand livre.
Un bouquin qui vous plombe à ce point et qui est de plus encensé par la critique a de quoi rendre pessimiste sur l'état de ce pays. On essaie de nous faire passer du plomb pour de l'or.
J'ai même vu un parallèle établi avec les Mille et Une Nuits. Sérieusement, avez-vous lu les Mille et Une Nuits pour oser une telle comparaison ? Dans ces contes arabes, il y a des histoires, des intrigues, des actions, de l'émerveillement. On n'y est pas assommé durant presque 400 pages par le vagabondage mental d'un gars malade chouineur et plein de regrets. Les Mille et Une Nuits suscitent le rêve véritable tandis qu'ici ce ne sont que souvenirs amers, décousus et parfois morbides. On dirait un long gémissement qui prélude à l'agonie du narrateur. C'est étouffant !
Ce bouquin ne fait pas honneur à la littérature. Simplement, son sujet est brûlant d'actualité et ce critère pèse lourd dans les considérations des sélections pour les prix littéraires. Leur choix n'étant pas illimité et le talent si rare de nos jours, ils récompensent le meilleur livre par défaut, c'est-à-dire le moins mauvais et celui-ci a toutes ses chances.
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