[LE CHŒUR]
La terreur est excellente
en maintes occasions:
c'est la gardienne des âmes
et il faut qu'en permanence
elle y tienne ses assises.
Les larmes sont salutaires
pour inculquer la sagesse.
S'ils n'ont, racinée au cœur,
nulle crainte, où survivrait
- homme ou cité, c'est égal -
le culte de la Justice ?
APOLLON: Voici ce que j'ai encore à dire, et saisis bien la justesse de mon propos. Ce n'est pas la mère qui donne la vie à ce qu'on appelle son enfant: elle n'est que la nourrice d'un germe dont elle a reçu la semence. La vie vient du mâle qui l'a saillie.Elle ne fait, elle, comme une étrangère pour le compte d'un étranger, que couver l'embryon, quand le Ciel permet qu'il n'avorte pas.
[LE CHŒUR] (représentant les Furies)
- Ha ! mes amies ! Holà ! nous voici bien en peine !
- Tant de peine j'ai prise, et c'est en pure perte !
- Peineuses peines, las ! Disgrâce bien amère !
- Méchef intolérable !
- Sautée hors du filet, la bête, et disparue !
- Le sommeil m'a vaincue, et j'ai perdu ma proie !
- Et c'est toi, le fils de Zeus, qui viens nous escroquer ! tu fais de nous tes dupes !
- Sous ton jeune talon, nous, les vieilles déesses !
- Et tu n'as de respect que pour ton suppliant, l'impie, le fils barbare !
- Ce parricide, toi, un dieu, tu nous le voles !
- Qui prétendra voir là une ombre de justice ?
APOLLON : Dehors, allez ! C’est un ordre !
Sortez du sanctuaire des oracles !
Ou le serpent à plumes blanches
Jaillissant de l’arc d’or
Va te faire vomir douloureusement l’écume noire
Et les caillots de sang que tu as tirés aux humains.
Tenez-vous loin de ce temple.
Votre place est là où la vengeance
Décapite, crève les yeux, égorge,
Émascule les jeunes enfants,
Mutile, lapide, torture,
Fait gémir longtemps les empalés.
Vous entendez ? Voilà vos fêtes !
Les dieux vous vomissent,
Voilà vos joies !
Votre laideur vous va bien :
Allez boire le sang dans la grotte des lions,
Mais ne salissez pas ce temple sacré de votre présence !
Allez, sans berger, aucun dieu ne garde votre troupeau.
Ne consens à vivre ni dans l'anarchie ni sous le despotisme.
Il y a des cas où la crainte est salutaire et où elle doit rester à demeure pour surveiller les coeurs. Il est bon d'apprendre la sagesse sous la férule de la douleur.
Le temps, en vieillissant, anéantit toutes choses.