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Critique de Pasoa


Je reviens toujours avec intérêt vers la poésie de Claude Esteban. Dans le Jour à peine écrit et La Mort à distance, j'avais découvert une écriture tout en sensibilité.

Dans Morceaux de ciel, Presque rien, je retrouve la marque chez lui d'une inquiétude placée sous le signe du tourment, de la mort, la recherche d'un accord entre les mots et la matière éparse du monde sensible.
La forme des poèmes contenus dans le recueil révèle une parole disjointe, divisée par des distiques par lesquels le poète tente de maintenir une unité dans une intériorité quelque peu décomposée.
Dans son écriture Claude Esteban immobilise la forme pour faire se révéler l'ombre d'un sentiment douloureux de division, une sorte d'impression de vivre en exil qui se déverse dans le langage.


« Je n'avais rien vu, rien
voulu découvrir, ni le soir quand il vient

avec ses vagues de tendresse, ni le matin
comme un fruit dans l'arbre

et j'ai vécu longtemps, les yeux
ouverts, l'âme aveugle

quelle douleur dans la chair du monde, je n'ai
rien su, ce soir

devant celle qui ne respire plus
je pleure

et mes larmes sont douces
et me délivrent. »


Dans ses poèmes, un personnage jamais nommé prend la parole et s'adresse à un autre, absent ou disparu. Réemprunter au souvenir des morceaux de ciel, de presque rien, glaner dans la solitude, la maladie ou la mort, ce qui raccroche au sens de la vie, à cette respiration, à ce geste, à ce regard de l'autre qui maintient, autant que la vue d'un paysage, l'être dans son espace sensible.


« Et le jour devenait tout bleu
comme dans les fables

seul un enfant pouvait marcher
sur l'ombre du soleil

les mots pour chaque chose
étaient pareils

mais ils avaient sur la langue
un goût de miel et de feuilles d'arbre

on s'endormait,
on avait presque tout fini de son travail

on se réveillerait
peut-être. »


Chez Claude Esteban, il y a toujours quelque chose de délié qui semble être revenu de la nuit, de la douleur de l'absence. Il y a chez lui encore, une obstination à dire, une tentative d'unifier par les mots, de maintenir par leur reflet le tragique de la vie, la lucidité au travers de la poésie.


« Vous mes amis,
mes endormis,
j'avais tant de choses à vous dire

le ciel est noir,
tout mon savoir
s'est noyé comme chaque soir dans le délire

mes beaux amis,
dormez parmi
les infortunes du monde

je veillerai
j'arracherai
vos soleils aux cavernes profondes. »

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