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Critique de Laureneb


Étymologiquement, Andromaque est "celle qui combat les hommes", c'est l'héroïne du non selon l'interprétation donnée par la chercheuse Jennifer Tamas dans Au non des femmes et dans une émission de France Culture sur le théâtre où je l'ai entendue exposer ses idées, ce qui m'a donné envie de lire cette pièce.
De lire, et non de relire. Car je connais la version de Racine, et je connais la vision donnée par l'héroïne dans cette tragédie classique du XVII ème siècle, celle de la veuve inconsolable, la figure de l'épouse parfaite. Elle "dit non" aux hommes, car elle refuse un projet de mariage : la veuve du prince troyen Hector ne peut épouser le fils grec de son meurtrier, Pyrrhus - appelé Néoptolème chez Euripide, le fils d'Achille. Mais elle combat aussi les hommes, puisque, grâce à ses talents oratoires, à ses ruses, c'est elle finalement qui triomphe chez Racine - ce que l'on oublie souvent : son fils, le fils d'Hector, est couronné et devient roi, chez les Grecs.
Chez Euripide, le modèle de Racine, la situation initiale n'est pas la même. Andromaque est esclave, et est forcée de partager la couche de Néoptolème. Son fils, c'est celui du Grec, le petit-fils d'Achille, l'arrière petit-fils de Pélée qui est toujours en vie. Il ne peut être donc question de mariage, elle n'est même pas une concubine. C'est ce qui lui fait sentir Hermione, fille d'Hélène et de Ménélas, femme de Néoptolème, dans une scène de jalousie. Car Hélène n'a pas d'enfant. Elle accuse donc Andromaque d'être une sorcière barbare, qui attire par des filtres ou des charmes les hommes dans sa couche et rend Hélène stérile. Andromaque incarne donc ici la figure de l'étrangeté, de l'altérité, qui doit repousser les Athéniens spectateurs qui se considèrent comme supérieurs aux non-Grecs. La pièce apparaît ainsi comme pleine de référence aux lois et aux moeurs athéniens, l'importance de l'hospitalité, la posture et le rôle du suppliant, des Spartiates vus comme lubriques et violents... mais aussi les relations de couple avec un mise en garde contre une polygamie de fait - le mari, la femme légitime, l'esclave.
Cependant, Andromaque est assez effacée de cette pièce antique, elle n'est pas l'héroïne. Car ce n'est pas une pièce sur l'amour ou sur la guerre de Troie, c'est une pièce sur l'arbitraire des dieux, surtout d'Apollon ici ; ils se jouent des hommes et sont responsables de leurs malheurs. C'est Apollon l'Oblique, "aux oracles ambigus", qui est responsable de la mort de Néoptolème en ayant demandé à Oreste de le tuer. Comme si finalement qu'importaient les passions humaines et même l'héroïsme des guerriers devant Troie, seuls les dieux décidaient du destin des hommes, et de leurs souffrances. Les femmes sont les jouets des hommes, et les hommes ceux des dieux.
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