Cette faculté d'aller de l'avant, de fermer la porte sur les souvenirs, je trouve ça admirable. Car l'oubli est peut-être aussi important que le souvenir. Nous y avons beaucoup réfléchi, nous disons qu'il faut continuer à vivre avec ceux qui ne sont plus, au lieu de les pleurer.
Que Kim ai pu être victime du terrorisme nous semble particulièrement absurde. Il n'avait rien à voir avec les luttes de minorités, il voulait simplement découvrir le pays où il était né. C'était un garçon gentil. Mais c'est sans doute le propre du terrorisme de tuer les innocents. De tuer nos enfants, dit le père, dont le visage s'assombrit.
Elle pense à sa grand-mère , qui préparait toujours des gâteaux pour les familles en deuil. Elle se présentait à la porte des gens qu'elle connaissait à peine, leur offrait des pâtisseries, des petits pains et des brioches, estimait qu'ils ne devaient pas avoir à se préoccuper de la nourriture quand leurs proches envahiraient la maison.
C'est notre nouvelle vie, pense-t'elle, il ne faut pas la gaspiller en pleurant. Car une vie sans regrets n'est pas une vie.
La mort est un grossier personnage, elle ne frappe pas à la porte, elle pénètre chez vous sans ôter ses chaussures, dit le père.
Notre faculté de survivre dépend en grande partie de nos capacités à retrouver une existence normale. [...] On a beaucoup réfléchi à tout ça, on s'est dit qu'il fallait voir la continuuité des choses plutôt que les ruptures. (p.41)
Je suis persuadé que si on arrête de raconter des histoires, on arrête de vivre aussi. (p.42)