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Citations sur Les baies sauvages de Sibérie (13)

Amateur impénitent de pigeons, l'oncle du futur astronaute était aussi un impénitent coureur de jupons. Lui-même racontait qu'il avait failli un jour le payer de sa vie. Peu avant la fin de la guerre, il se trouvait cantonné chez une veuve de guerre allemande, une belle blonde dont il reconnaissait qu'il n'avait pas dédaigné les charmes. Seulement la veuve, qui ne cessait de pleurer son mari tué à Stalingrad, avait une petite manie : elle avait demandé à l'oncle de revêtir tous les soirs pour le diner la tenue de sous-officier de son cher et inoubliable Hans. L'oncle était un artiste dans l'âme. Compatissant à la douleur de sa sentimentale dulcinée, il ne refusait pas le soir de revêtir, tout en s'amusant intérieurement de la situation, la tenue du cher disparu. L'oncle était chauffeur et sa Willis servait aux déplacements de l'état-major. Or voici qu'un beau soir ces messieurs eurent besoin de lui pour un déplacement urgent et se précipitèrent chez lui sans prévenir, ni même frapper à la porte. Ils tombèrent en pleine idylle familiale, surprenant attablés la belle inconsolable, écarlate d'avoir bu trop de kirsch, et l'adjudant allemand en grand uniforme. Ils s'emparèrent aussitôt de leurs pistolets et l'affaire faillit bien mal tourner pour l'oncle qui ne s'en tira que grâce à son érudition proprement encyclopédique en expressions grossières russes, qu'un membre de la Wehrmacht ne pouvait de toute évidence pas connaître en si grande quantité.
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L'astronaute pensa que s'il avait la possibilité, comme dans le livre de Fiodorov, de ressusciter ne fût-ce qu'un homme parmi les morts, il choisirait Pouchkine. Bien sûr, cela entraînerait un certain nombre de conséquences cocasses. Pouchkine parlant à la télévision ? Pouchkine à un match de hockey ? Pouchkine faisant la queue à la station-service TO-1 et s'efforçant de capter de ses yeux suppliants le regard arrogant du gérant pour fourrer dans sa main poilue ses clefs de voiture, avec dix roubles de bakchich ?.... Sur bien des plans, Pouchkine serait perdu, naïf comme un enfant et plus ignorant que le moindre écolier. Même une locomotive l'étonnerait, sans parler naturellement d'un avion ou d'un vaisseau spatial. Et pourtant Pouchkine est supérieur à n'importe quel ingénieur cybernéticien. Cela signifierait donc que le progrès technique et le progrès de l'âme sont des choses différentes ? Qu'il ne suffit pas d'un type de connaissance pour améliorer l'homme ?
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- Dans le groupe de touristes avec lesquels je suis allé à Paris, poursuivait l'inconnu, il y avait une artiste peintre. C'était la première fois que j'allais à l'étranger, tandis qu'elle, qui n'était plus toute jeune même si elle avait beaucoup de charme (et il sourit à ce souvenir), elle se débrouillait pour obtenir chaque année une autorisation pour visiter un pays africain ou autre. L'Afrique était sa passion et, partout où elle allait, elle ne cessait de peindre. De tels voyages coûtent de grosses sommes : nous autres, géologues, ne pourrions pas nous en payer chaque année. Aussi pensais-je que cette artiste était très riche. Lorsqu'elle m'invita chez elle, à Moscou, je m'attendais à trouver un appartement magnifique et je ne vis que des chaises de bureau du modèle le plus ordinaire , une table et un petit lit en fer. Par contre tous les murs étaient ornés de ses souvenirs : ses tableaux et divers bibelots par elle rapportés. Lorsque nous eûmes bu, elle me dit : "La seule banque où l'on puisse déposer ses économies, c'est la banque des souvenirs. C'est la seule qui ne fera jamais faillite." Cette femme avait raison. On peut ôter ses habits à un homme et le jeter tout nu dans un cachot humide, mais personne ne lui ôtera jamais ses souvenirs. Moi non plus, je n'ai jamais amassé au cours de ma vie errante, mais, tel un chevalier avare (1), je monte la garde auprès de mes souvenirs.

(1) Le Chevalier avare, une étude dramatique en un acte de Pouchkine.
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Le responsable kolkhozien chargé du ramassage et du stockage des baies était un homme que l'on eût dit fait d'éléments rapportés : une tête minuscule avec de petits yeux onctueux, mais conscients de leur propre dignité, sous un bonnet carré à l'ouzbèke, en tissu brodé noir argenté, le tout émergeant d'un long cou maigre surmontant, par ce qui ne pouvait être qu'une erreur de la nature, un corps massif ondulant comme de la pâte à tarte qu'il avait fait entrer avec les pires difficultés dans un veston de toile roussie, plein de taches, aux poches gonflées de factures. Sous la bedaine venaient des pattes étonnamment courtes, mais solidement accrochées et enfermées dans un pantalon bouffant de milicien. Par contre celui-ci ne s'insérait pas, comme aurait pu s'y attendre, dans des bottes d'allure martiale et les cordonnets qui auraient dû tirer le pantalon vers le bas se balançaient d'un air gaillard à la limite du cou-de-pied et des sandalettes beiges que son gros corps martyrisait. Tout cela réuni composait la personne de Tikhon Tikhonovitch Touguigkh, le responsable pour les baies de la coopérative kolkhozienne de l'arrondissement de Zima, la Station Hiver.
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Tourné vers le hublot de son vaisseau spatial, le visage de l'astronaute était fatigué, prématurément vieilli, mais plein d'une curiosité enfantine des plus vives. Jamais auparavant il n'était allé à l'étranger et voila que soudain son regard embrassait tous les pays à la fois. Les frontières avaient disparu. Tous ces poteaux frontière bicolores, ces no man'slands soigneusement labourés, ce fil de fer barbelé, ces gardes-chiourme frontaliers avec leurs bergers allemands, ces postes de douane, tout cela avait sombré dans le néant. Vue du cosmos, l'existence de tous ces êtres, de toutes ces institutions semblait d'une absurdité contre nature. Un terme comme celui de propiska, par lequel on désigne l'enregistrement obligatoire de tout citoyen soviétique au poste de milice de son quartier, devenait tout d'un coup grotesque, totalement inconcevable...
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L'astronaute mit en marche un magnétophone à cassettes et sa sa cabine s'emplit des sons fragiles quant au volume, mais si puissants par leur contenu à une époque où les paroles sont généralement si vides, d'une chanson de Boulate Okoudjava :

Comme disent les gens d'un coeur léger,
Quand quelque chose ne va pas :
"Cela ne me regarde pas !
J'obéis aux ordres donnés !"
C'est tellement simple d'être soldat,
Un simple et innocent soldat...
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le véritable hypocrite n'est pas celui qui dissimule, mais celui qui tente de persuader les autres de ce en quoi il ne  croit pas.
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A demi vide, la bouteille de champagne avait été enfoncée dans la vase du petit ru forestier et les alevins argentés venaient se frotter à ses flancs vert foncé. Boire dans des récipients bleus à fleurettes, que devaient venir fermer des couvercles métalliques, n'était pas désagréable, encore qu'un peu étrange. Tranchée par le milieu, la pastèque jetait des reflets incarnats et, quoique presque brûlante elle-même, donnait l'impression qu'il restait quelque part un peu de fraîcheur, tandis que ses pépins échangeaient avec les yeux de la jeune fille des regards de connaissance. L'astronaute et sa compagne étaient allongés sur une veste jetée dans l'herbe, non loin de la Jigouli que caressaient légèrement les branches de coudrier encore agitées par le vent. Ils ne se regardaient pas l'un l'autre : ils regardaient le ciel avec ses nuages qui passaient suavement au-dessus d'eux, et ni l'un ni l'autre n'aurait su dire à quoi il pensait exactement, mais c'était précisément cet état indéfinissable qui, mieux que toute autre chose et certainement mieux que les paroles, les unissait alors d'un lien particulièrement fort.
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Entre la honte et la crainte, il y a un fossé énorme, fit Burstein en hochant le tête. La honte apprend à penser, la crainte désapprend.
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Toutes nos connaissances, passées, présentes et à venir ne sont rien au regard de ce que nous ne saurons jamais.
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