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Critique de Aquilon62


Quel livre !!! Un immense coup de coeur
Quand le roman et la biographie se confondent,
Quand la biographie et roman ne font plus qu'un,
Ce livre, quelque soit la manière dont on le considère, est une réussite magistrale : la frontière entre les 2 styles disparaît dès les premières lignes lues.

L'auteur a réussi ce tour de force que peu réussissent faire oublier que nous avons entre les mains un roman. C'est extrêmement bien documenté, l'écriture est d'une fluidité et d'une richesse, l'érudition est sans faille. C'est le fruit d'un travail admirable....

Dans son avant-propos, l'auteur explique
"Ce récit est l'histoire d'un autre récit. Ou plutôt de son auteur. Un soir, dans la vallée du Cédron, un garçon de Jérusalem, Iohanan, croise un meneur d'hommes mais s'enfuit aussitôt. Trente ans plus tard, celui qui a pris le nom romain de « Marc » décide de raconter la vie de cet homme exceptionnel et mystérieux. Il compose à Rome, le premier, l'archétype des quatre évangiles."
Marc est évangéliste parce qu'il est explorateur. Un triple explorateur :
Celui qui explore avec passion le monde moderne qui l'entoure, la civilisation méditerranéenne du Ier siècle. Son périple l'entraîne de Jérusalem à Césarée Maritime, Antioche de Syrie, Alexandrie, Chypre, Troas, Éphèse. Il s'achève à Rome. Et quel voyage celui que nous faisons avec lui...
Celui qui explore une humanité qui fait craquer son nationalisme judéen.
Celui qui explore enfin sa propre blessure, son incapacité à être à la hauteur de celui dont il veut pourtant rédiger la Vie. Marc, écorché dans sa jeunesse, cicatrise par l'écriture. Il se considère lui-même comme un lion blessé.

Ces trois explorations n'en font qu'une. C'est ainsi que son Évangile, bien plus qu'une chronique, devient une invitation à la rencontre et au voyage.

Traditionnellement, les quatre évangélistes sont représentés sous formes allégoriques du tétramorphe, ou les « quatre vivants », ou encore les « quatre êtres vivants », représente les quatre animaux ailés qui tirent le char de la vision d'Ézéchiel (Ez 1 ; 1-14).
D'abord décrit dans le Livre d'Ézéchiel, il est repris dans l'Apocalypse attribuée à Saint-Jean (Apoc 4; 7-8). Plus tard, les Pères de l'Église y ont vu l'emblème des quatre Évangélistes.
L'homme est Matthieu : son évangile débute par la généalogie humaine de Jésus.
Le taureau est Luc : aux premiers versets de son évangile, il fait allusion à Zacharie qui offre un sacrifice à Dieu, or dans le bestiaire traditionnel, le taureau est signe de sacrifice.
L'aigle est Jean : son évangile commence par le mystère céleste.
Le lion est Marc : dans les premières lignes de son évangile, Jean-Baptiste crie dans le désert (« un cri surgit dans le désert »).

Pour l'auteur, Marc devient le lion blessé pour toujours, le lionceau traqué par la peur,le lion meurtri, le lionceau enragé devenu lion, un lion qui tourne en cage, un lion noble dont la crinière et les cicatrices imposent le respect, etc...

D'ailleurs chaque chapitre porte un titre se rapportant de près ou de loin avec le félin : rugissement, la patte, la proie, l'affût ou la blessure. Chapitres ponctués de croquis qui embellissent subtilement le texte.

Mais ce qui fait le charme de ce roman c'est le Voyage qui revêt plusieurs visages, mais c'est Marc qui l'explique le mieux : "Certes, notre voyage était modeste. Mais dans les Écritures, et surtout dans les Psaumes, le passage au-delà des mers est un thème exaltant. Il représente simultanément la victoire sur la mort et la conquête des Nations. Tandis que j'essayais de me remémorer les passages où la Torah et les Prophètes évoquent les flots, une idée me traversa l'esprit. Il faudrait que les chrétiens disposent aussi de leurs propres récits."

Voyage qui conduira Marc jusqu'à son but ultime Rome, où l'Évangile rejoindra le monde entier : " Je compris à cet instant que toute mon existence depuis Jérusalem avait été orientée, aimantée vers la ville éternelle. À Jérusalem, tout avait commencé, à Rome tout se devait se déployer : Gerasa, Césarée, Antioche, Alexandrie, Troas, cet itinéraire n'était qu'une vaste anticipation d'un voyage dans le coeur battant de l'Empire, du monde grec et des Nations. Certes, il fallait que j'aie parcouru toutes ces villes où se diffracte Rome, pour en saisir mieux l'universalité. Mais mon parcours me mènerait dans cette cité où les extrémités du monde se concentrent. La providence m'avait donné le nom le plus romain qui soit, celui de Mars, le dieu guerrier protecteur de la capitale italique. C'est là-bas qu'il me faudrait un jour m'installer pour prendre le calame et écrire. Sans son ancrage romain, mon récit resterait hermétique pour ceux qui viennent des Nations. Il leur serait exogène, jamais familier. "
Marc comprit que l'achèvement du récit inscrit ne pourra être que le fruit de sa longue circumnavigation menant à la capitale de l'Empire.
" le voyage est indispensable à celui qui veut raconter. Les excursions du conteur burinent sa narration, cisèlent ses personnages..."

Voyage au plus profond de lui-même, pour tenter de trouver l'apaisement

Voyage du calame sur le papyrus et c'est ainsi que le récit était né… "C'est ainsi que j'avais été l'instrument choisi pour devenir, au sens propre du terme, l'inventeur de l'Évangile. Une nouvelle forme de littérature était née. Elle s'achèverait sans doute à la mort des témoins oculaires… Un genre littéraire provisoire qui inscrirait le définitif de Dieu au coeur de l'histoire des hommes."

En dernier lieu un message plus personnel @migdal, qui m'a souhaité un bon voyage après avoir lu sa critique qui m'a poussée à remonter l'ouvrage dans ma PAL, et bien une fois le livre refermé j'étais tel Ulysse, heureux d'avoir fait un beau voyage...
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