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Critique de Polomarco


Même si la Bible classe l'évangile de Marc après celui de Matthieu, il est couramment admis que l'évangile de Marc est bien le premier à avoir été écrit. le lion d'Alexandrie mêle l'histoire de la genèse de cette oeuvre pionnière et celle de son auteur : le Père Jean-Philippe Fabre nous offre en effet, non seulement une biographie romancée de Saint-Marc, mais encore un récit de la façon dont l'idée est venue à ce dernier d'écrire et de structurer son témoignage. A cet effet, il a repris les indices des faits et gestes de Marc qui, tels les cailloux blancs du Petit Poucet, jalonnent le Nouveau Testament. A partir de ces traits en pointillé, il a tracé une ligne continue, se servant de la trame fournie par les Écritures pour produire un travail de haute couture.

La première source est celle de l'évangile de Marc lui-même, dont le Père Fabre nous rappelle qu'il raconte plus qu'il n'explique. Les spécificités de l'évangile de Marc, ce qu'il est le seul des quatre évangélistes à relater, servent à l'auteur à fixer le cadre de son récit. Ainsi, le jeune homme qu'on tente d'attraper au Jardin des Oliviers et qui s'enfuit nu, est identifié comme Marc lui-même (14 ; 51-52) ; la fuite, peu glorieuse, est qualifiée de " blessure" ; Alexandre et Rufus, cités comme les fils de Simon de Cyrène, sont considérés comme de proches amis de Marc (15 ; 21) ; la fille de Jaïre (que Jésus rappela à la vie par les mots "Talita koum" (5 ; 41) devient sa fiancée, mais meurt prématurément. La deuxième source réside dans les Actes des Apôtres. On sait grâce à (12 ; 12) que les apôtres se réunissaient dans un domaine attenant au Jardin des Oliviers de Gethsémani, chez la mère d'un certain Jean, surnommé Marc, et que c'est là que Pierre est venu se réfugier après sa sortie miraculeuse de prison. La dernière source est celle des lettres De Saint-Paul, qui, à l'inverse des évangiles, expliquent plus qu'elles ne racontent. Celle adressée aux Colossiens (4; 10) indique que Marc est le cousin de Barnabé, qui sera le compagnon d'évangélisation De Saint-Paul.

On redécouvre avec ce bel ouvrage les dissensions qui ont traversé et tiraillé la jeune église naissante : quand Pierre veut apporter la bonne nouvelle aux Juifs, Paul veut l'apporter "à toutes les nations", selon l'expression du Christ en Marc, 13 ; 10. Finalement, les deux ne sont pas incompatibles, mais se complètent, tels deux cercles concentriques. Ainsi, Marc sera proche de Pierre : "Marc, mon fils" (1ère lettre de St-Pierre, 5 ; 13) et proche de Paul : "Marc, qui m'est très utile pour le ministère" (2ème lettre à Timothée, 4 ; 11).

Écrit à la première personne, le récit met en scène les déplacements de Marc, comme on peut les imaginer : Jérusalem, Césarée maritime, Antioche, Chypre, Alexandrie, Troas, Éphèse, Rome, jusqu'au deuxième départ de Marc pour Alexandrie, qui coïncide avec l'incendie de Rome en juillet 64 après J.-C. et l'exécution de Pierre, certaines traditions rendant en effet les chrétiens responsables de ce drame...

Quand Marc arrive à Rome, Paul est prisonnier ; libéré, il quitte la ville éternelle pour la péninsule ibérique, et laisse la place à Pierre. C'est le témoignage de ce dernier que Marc va alors recueillir pour le mettre par écrit. "Pas seulement par désir d'annoncer l'Évangile, mais aussi par souci de garantir une solidité de la mémoire face à l'éparpillement des théories qui se répandaient sur Jésus" (page 349). Car, entre-temps, les apôtres et autres témoins du Christ commencent à disparaître (notamment Jacques, fils de Zébédée, page 140). Marc recueille ainsi les témoignages d'André, de Pierre et de Jaïre. Reprenant peu de prophéties de l'Ancien Testament, il fait commencer son évangile par l'épisode du baptême par Jean le Baptiste. Il retient comme fil conducteur (pages 346-348) une montée -unique- à Jérusalem. Deux grandes phases structurent donc le texte : d'abord, jusqu'à l'épisode de Césarée de Philippe, avec la question de Jésus à ses apôtres "Et vous, qui dites-vous que je suis ? ; et ensuite, après la réponse de Pierre, le questionnement des apôtres "Sommes-nous prêts à le suivre ?" le chapitre "La patte" explique très bien la logique qui a prévalu aux choix posés par Marc -et Pierre- dans la construction de cet évangile et l'ordonnancement de ses récits.

Le lion d'Alexandrie est un récit très instructif : de belles pages (pages 343-344) sur le sens des deux multiplications de pains ; outre le récit-roman, on y trouve aussi plusieurs cartes, et en annexes, un glossaire des termes d'origine étrangère, une chronologie supposée de la vie de Saint-Marc, et les extraits des textes bibliques qui servent de fondations à l'ouvrage. A recommander.

Lu dans le cadre de l'opération Masse critique.
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